
Ibrahima N’diaye, président de l’AJTIE: « en réalité, les problèmes de Boké sont loin de finir … «
Homme de média et spécialiste des questions minières, Ibrahima N’diaye dirige l’Association des journalistes pour la Transparence dans Industries Extractives et Economiques (AJTIE). Après les violences qui ont secoué il y a à peu près de deux semaines la ville de Boké, M. N’diaye, au cours d’un entretien qu’il nous a accordé donne son aperçu sur l’origine de ces soubresauts et propose des solutions pour une véritable sortie de crise.
Aminata.com: que vous inspirent les violences de Boké?
Ibrahima N’diaye: tout d’abord je déplore la mort de trois fils de Kakandé et je prie que Dieu ait leurs âmes.
Pour revenir alors à votre question, il faut dire que ces violences enregistrées à Boké n’arriveraient jamais si les ressources naturelles qui proviennent du sous-sol de cette localité avaient un impact positif. Comme c’est un peuple qui est inoffensif, les dirigeants à tous niveaux sont restés sans rien faire pour cette ville qui, pourtant nourrit la Guinée depuis les années 73. La vérité est qu’aujourd’hui Boké est devenue une Préfecture sombre d’avenir. La preuve en est que les ministres Ibrahima Kassory Fofana et Cie sont passés il y a plus de 11 mois et ils avaient menacé les populations de Boké. Et voilà la réponse que les Kakandéka ont donnée à travers ces actes qui ne sont pas citoyens. Alors, qu’on me dise que les sociétés ne payent pas les différentes taxes…. Je dirai que c’est faux! Elles s’acquittent de leurs obligations.
Parlant de ces paiements, il faut retenir qu’ils sont souvent sujets de détournement de la part de l’administration centrale et décentralisée et aussi des élus locaux à la base.
Comment vous pouvez expliqué ces brusques violences?
Ces violences ont leur origine depuis les années où l’exploitation minière a commencé dans la région, contrairement à ces graves accusations que certains mythomanes sont en train de faire véhiculer dans la cité en ayant un doigt accusateur sur les nouvelles qui viennent s’installer dans la préfecture. Il est nécessiteux de dire que ces violences brusques ont leur compte dans la frustration dont sont victimes les populations de Boké et ce par le biais de la mal-gouvernance dans les industries extractives. Et suite à ces violences une plate forme revendicative a été remise aux autorités gouvernementales.
Pour ce qui concerne les revendications, elles sont légitimes, mais il faut savoir que c’est exagéré. Celui qui veut faire du sérieux et obtenir ce qu’il veut ne doit pas adopter de telle stratégie, en sens que les représentants de la population de Boké qui ont piloté les récentes négociations ont menti et ceux qui ont aussi représenté le gouvernement dans ces négociations, ont accepté de mentir en acceptant la plateforme revendicative de plus 30 points. En promettant qu’ils vont satisfaire à tous ces points, on sait pertinemment que c’est faux. Je me dis que ces deux parties se sont trompées et les problèmes sont loin de finir en réalité. Boké, pour une sortie de crise, je pense que mes frères n’avaient besoin que de demander au gouvernement l’eau, l’électricité, l’emploi et la contournante dans un premier temps pour que d’ici trois ans que ces revendications trouvent solution pour que les sociétés minières puissent vivre en harmonie avec les communautés. Puisque ces sociétés paient normalement leurs taxes.
Les citoyens de Boké réclament l’eau et l’électricité. Peut-on dire que ces violences pouvaient être évitées?
Ces violences pouvaient être évitées, si le gouvernement prenait en compte les problèmes des citoyens de Boké et s’il y avait de la redistribution des ressources qui proviennent du fruit de ces ressources du sous-sol.
Je déplore beaucoup l’attitude de certains cadres véreux qui négocient avec les sociétés minières au moment de la signature des conventions. Pour preuve, il y a une société qui voulait implanter un barrage hydroélectrique avant même la signature de sa convention, ils ont dit non ! Que ce n’était pas le moment de le faire à Boké…
Ecoutez, ce n’est pas de la montagne à déplacer, prenons l’exemple sur l’ex-directeur de la CBG, pour lequel j’ai beaucoup de respect et d’estime pour son sens élevé de patriotisme de son pays et son souci d’aider les jeunes et les communautés à se prendre en charge eux-mêmes avec son projet d’aide au groupement de Kamsar. Kemoko Touré avait réussi à mettre en association tous les jeunes qui manifestaient pour que ceux-ci puissent tirer profit des retombées économiques provenant de la bauxite.
Il faut dire aujourd’hui sans risque de se tromper qu’aucune société minière ne contribue dans la formation pour « guineiniser » les postes que s’occupent les expatriés et l’alphabétisation des communautés ainsi que la mise à niveau des hommes à métier. En un mot le contenu local n’est pas respecté chez les miniers puisque les conventions qui leur font exonérer à travers celle, elles se sentent fortes… Mais la loi minière est très claire sur cette question, en ce sens que si tu construis certaines infrastructures, tu ne payeras que la moitié des 3%. C’est à dire 1, 5 % en terme de contribution au contenu local. Mais elles refusent toutes.
Peut-on craindre de la contagion dans les autres zones minières du pays?
C’est évident qu’il faille craindre l’effet de contagion dans les autres zones minières, puisque jusque là Boké ne s’était jamais soulevé pour une quelconque manifestation.
Quelles solutions proposeriez-vous en tant que spécialiste pour une sortie de crise durable?
J’invite solennellement le président de la République à accepter d’inviter les fils patriotiques de Kakandé qui ne veulent aucun poste pour que plus jamais ce qui est arrivé à Boké.
Accepter de donner de l’eau, de l’électricité, de l’emploi et faire une contournante pour permettre d’éviter les accidents.
Il faut que nos gouvernants soient responsables et de dire la vérité qu’ils reçoivent plus de 12millions US par mois et qu’ils sont responsables du sous-développement des villes qui sont dotées de ressources naturelles conséquentes.
Je vous remercie…
Entretien réalisé par Alpha Oumar Diallo pour Aminata.com
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