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RDC : Joseph Kabila se met tout le monde à dos

Rien ne va plus entre Joseph Kabila et la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Cette dernière n’a en effet pas manqué de dénoncer la répression sanglante des manifestations anti-régime qui se sont tenues le 31 décembre dernier à l’appel des laïcs catholiques. Célébrant l’office à la mémoire des « martyrs » du 4 janvier 1959, victimes de l’administration coloniale belge qui avait interdit et réprimé leur manifestation, le cardinal de Kinshasa, Laurent Monswengo, a d’ailleurs estimé que ces « martyrs de l’indépendance rappelaient les morts d’aujourd’hui ».

L’Eglise catholique a toujours eu un rôle particulier en République démocratique du Congo (RDC). A mi-chemin entre celui de l’acteur et de l’observateur, elle n’hésite pas à donner son avis sur la politique menée, voire à critiquer ouvertement le pouvoir en place. C’est d’ailleurs ce qu’elle vient de faire, après que les forces de l’ordre aient réprimé dans le sang une manifestation organisée à Kinshasa et Kananga par les catholiques du Comité laïc de coordination, le 31 décembre dernier, dans le but de protester contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila. Et où huit personnes, au moins, ont perdu la vie.

Accord de la Saint-Sylvestre

Soutenues par le principal candidat à la succession du chef de l’Etat, Moïse Katumbi, les personnes qui s’étaient rassemblées en cette fin d’année 2017 militaient notamment pour l’application de l’accord de la Saint-Sylvestre, signé fin 2016 entre le chef de l’Etat et l’opposition, et qui stipule que des élections présidentielle et législatives devaient avoir lieu avant fin 2017.

« Ce 31 décembre 2017, il nous appartient de prendre notre destin en main ! Réclamons haut et fort cet avenir meilleur en répondant massivement à l’appel du Comité laïc de coordination de l’Eglise catholique », avait déclaré l’ancien gouverneur du Katanga – aujourd’hui en exil forcé -, le 27 décembre.

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Le principal opposant à Joseph Kabila avait alors invité « tous les Congolais à se mobiliser pour exiger, avec force, mais toujours pacifiquement, la paix, la liberté et la démocratie ». Et de rajouter, « j’appelle tous les Congolais à marcher pour réclamer l’application de l’Accord de la Saint-Sylvestre et que de vraies élections puissent être organisées dans le pays ».

M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, n’est effectivement plus officiellement président depuis le 19 décembre 2016, en application de la constitution congolaise. Désireux de conserver les rênes du pays, ce dernier a multiplié, l’an dernier, les manœuvres pour retarder la tenue des scrutins, parfois en usant de violence, comme ce fut le cas le 31 décembre dernier.

Répression dans le sang

« A propos de ladite marche, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) est profondément choquée par les actes ignobles qui s’en sont suivis » ont affirmé Marcel Utembi Tapa et Fridolin Ambongo Besungu, président et vice-président de la CENCO. « Elle déplore l’atteinte à la vie humaine et présente ses condoléances aux familles des victimes innocentes. […] Nous le rappelons, la vie humaine a un caractère sacré et inviolable. Aussi la CENCO demande une enquête sérieuse et objective pour établir les responsabilités sur ces […] agressions physiques. »

Une position que partage la représentante permanente américaine aux Nations Unies, Nikki Haley. L’ambassadrice des Etats-Unis s’est en effet indignée de « l’usage excessif de la force contre les manifestants par les forces de sécurité ». « Le président Kabila doit rendre ses forces de sécurité responsables et respecter les droits de l’Homme de ses citoyens », a-t-elle déclaré, le 10 janvier dernier. « Il est essentiel que les autorités nationales compétentes diligentent les enquêtes nécessaires pour établir les responsabilités et traduire en justice les auteurs présumés de violations des droits de l’homme », a pour sa part affirmé le secrétaire général adjoint pour les opérations de paix des Nations unies, Jean-Pierre Lacroix.

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Instrumentalisation de la presse

Cette fameuse marche n’a pas été réprimée que dans le sang par le régime, puisque la CENCO a accusé ce dernier d’avoir eu recours à une désinformation massive afin de minimiser les dérapages des forces de l’ordre. « L’annonce de la marche […] a suscité dans certains médias une campagne d’intoxication visant à semer la division au sein de l’Episcopat. Les propos de certains évêques […] ont été délibérément déformés leur faisant dire qu’ils condamnaient l’initiative de cette marche […] ce qui n’est pas vrai », ont informé le président et le vice-président de la Conférence épiscopale.

 

Les autorités avaient par ailleurs sommé les opérateurs de télécommunication d’interrompre leurs services SMS et Internet dans la capitale, entre le 31 décembre et le 1er janvier, afin d’empêcher les manifestants de s’organiser. Une initiative condamnée par les habitants de Kinshasa : « je trouve que cette façon de faire, ce n’est pas respecter la population. Le pouvoir en place doit aussi nous respecter », plaide l’un d’entre eux.

Dans ses vœux à la nation, Joseph Kabila a invité les Congolais à ne pas se laisser séduire par les appels à la discorde et à la protestation anti-régime de certains groupes. Une tentative désespérée d’affirmer son pouvoir de la part d’un homme dont la légitimité est plus qu’écornée. D’après le calendrier électoral qu’il a lui-même fixé, celui-ci devrait se retirer à la fin de l’année. A moins qu’il ne trouve un nouveau moyen d’échapper à sa fin de règne.

Par JE Edou

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