
Transition militaire guinéenne – Pour quelle durée et conséquences ?
La vulgarité a dépassé les limites en Guinée. Que d’arrogance dans l’ignorance ! La situation sociopolitique de mon pays est inquiétante. Aucune raison de garder espoir pour ce pays jadis glorifié pour l’engagement patriotique de ses héros que sont les Samory Touré, Bocar Biro Barry, Dinah Salifou, Zébéla Togba ; ou même bien avant eux, la génération de mon arrière-grand-père le guerrier et Érudit Thierno Souleymane Bah de Timbi.
Aujourd’hui, nous avons devant nous une société civile opportuniste, une justice inféodée, une armée politisée, une administration corrompue, des hommes politiques ethno-régionalistes, des religieux insensibles, une jeunesse perdue, une diaspora désorganisée, et une élite intellectuelle indifférente. Voilà la situation actuelle de la Guinée, après 63 ans d’indépendance ! “A perfect shithole country” comme pour paraphraser l’ex-président américain Donald Trump qui parlait des pays africains.
La Guinée a un très long chemin à parcourir pour mettre de l’ordre dans sa gouvernance. L’ONG Transparency International a publié, le 25 janvier 2022, l’indice de perception de la corruption (IPC) pour l’année 2021. Sur cette liste, malheureusement, la Guinée occupe la 150e place sur 180 pays, avec une note de 20 sur les 100 points.
Selon la Banque Mondiale, “la gouvernance est l’ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s’exerce dans un pays avec pour objectif la réalisation de l’intérêt général.” Cette définition est intéressante en ce sens qu’elle lie l’exercice du pouvoir de l’Etat à la recherche de l’intérêt général. Et puisque l’intérêt général présuppose l’approbation du peuple ; l’urgence en ces temps-ci doit absolument être le retour rapide à l’ordre constitutionnel à travers d’élections libres, transparentes, et inclusives. Tout autre agenda, en dehors de ceci, serait contraire à la recherche de l’intérêt général.
Un régime d’exception, même salvateur, n’a pas pour vocation de s’atteler aux questions de développement. Ces privilèges reviennent exclusivement à un gouvernement légitime et légal issu d’élections démocratiques qui reflètent le résultat des urnes. C’est dans la seule logique que se trouve l’intérêt général !
Nos hommes politiques sont peut-être naïfs ou même égoïstes, mais la communauté internationale ne l’est point. Même si cette communauté internationale a pris l’habitude d’être indifférente aux violations des règles démocratiques établies, le peuple à travers sa jeunesse ne se laissera plus faire. D’où la nécessité urgente de permettre au peuple de choisir librement leurs dirigeants d’ici la fin de cette année 2022.
Oui ! Un retour à l’ordre constitutionnel en Guinée est bien possible cette année, à travers d’élections libres et transparentes. Maintenant que le CNT est mis en place et fonctionnel, on peut bel et bien mettre un terme à cette transition qui dure depuis six mois. Et les partenaires financiers et techniques seraient prêts à accompagner les autorités de la transition dans ce sens.
Le recensement général de la population annoncé par les nouvelles autorités de la transition n’est pas opportun en ces temps-ci. Je doute fort que nos partenaires financiers et la communauté internationale soient prêts à accompagner un tel projet qui est en déphasage avec les priorités du moment. Les priorités de cette transition doivent être la conception du fichier électoral et l’organisation d’élections libres et transparentes dans le bref délai courant 2022, ou au plus tard, en tenant comptes du pire des scénarios, d’ici le mois de juin 2023. Ce qui donne un maximum de 24 mois au CNRD pour passer la main à un gouvernement légal et légitime.
La durée du mandat de ce CNT coopté par décret présidentiel ne doit point excéder les six mois à partir de la date de son installation. On doit absolument avoir une Assemblée nationale légitime à l’issue d’élections d’ici fin septembre cette année. C’est cette Assemblée nationale qui doit fixer les règles de jeu pour le reste de la transition. Ce CNT n’a aucune légitimité pour concocter une nouvelle constitution et la soumettre à un référendum. Seule une Assemblée nationale constituée à l’issue d’élections libres et transparentes, peut se permettre légalement et légitimement de ficeler un chronogramme de la transition.
La charte de la transition imposée au peuple n’est qu’un document symbolique pour combler le vide juridique émanant de la suspension de la constitution. De même, le CNT est mis en place uniquement pour combler le vide institutionnel né de la dissolution de l’Assemblée nationale à la suite du coup d’État du 5 Septembre.
Après l’installation d’une vraie Assemblée nationale à travers d’élections libres et transparentes d’ici fin septembre de cette année, on peut effectivement promulguer une nouvelle constitution à travers un référendum, mettre en place un chronogramme pour le reste de la transition, et organiser toutes nos élections au plus tard en juin 2023. La communauté internationale et les partenaires financiers pourront efficacement accompagner les nouvelles autorités pour réussir un tel chronogramme et sortir de cette transition.
De ce qui précède, on se rend facilement compte qu’une transition militaire, aussi longtemps soit elle, ne peut pallier les défaillances de la mal gouvernance héritée du RPG arc-en-ciel. Par conséquent, cette transition militaire au-delà des 18 mois sera désastreux pour l’avenir démocratique de la Guinée. Des sanctions économiques de nos partenaires financiers entraîneront certainement des conséquences néfastes sur notre petite économie déjà dans son lit de malade et sous perfusion.
A bon entendeur salut ! D’ici là, merci de contribuer au débat.
Note de l’auteur : “Acceptons la pluralité des idées. Pas d’injures et rien que d’arguments.”
Elhadj Aziz Bah
Consultant et chef d’entreprise