
L’ancien ministre de la Communication et depuis le 25 janvier 2017, conseiller à la Présidence de la République aborde, dans cette interview, des sujets brulants de l’actualité politique guinéenne. Impliqué dans la résolution de la crise gambienne, Tibou Kamara révèle que Yaya Jammeh était « prêt à une confrontation» avec la CEDEAO, mais qu’il a fallu la médiation pour l’en dissuader. Sur la question d’un éventuel 3e mandat, il affirme que la coordinatrice nationale du RPG est libre d’exprimer son opinion. Lisez!
Aminata.com : bonjour M. Kamara, êtes-vous en contact avec le président Yaya Jammeh?
Tibou Kamara: oui bien sûr, n’oubliez pas quand même, on a des liens de famille qui sont personnels et qui n’ont rien avoir avec les affaires de l’Etat.
Quelles sont les dernières nouvelles du président sortant?
Il est en Guinée Equatoriale avec sa famille et certains de ses proches comme chacun le sait. Je suis très heureux de voir que l’homme garde sa foi malgré l’épreuve qu’il vient de traverser et qu’il a le moral très haut. Il se réjouit que la crise que son pays a connue après les dernières élections se soit résolue sans qu’il n’y ait une seule victime et que le pays continue à garder la stabilité et la paix qu’il a aidées à construire durant les 22 années qu’il a passées au pouvoir.
Quelles sont les principales priorités du président Adama Barrow?
Je pense que chacun appelle de tous ses vœux, l’unité du pays, la réconciliation après une confrontation électorale et la crise politique qui a suivi. Chacun souhaite que la Gambie continue sa marche vers plus de démocratie, plus de progrès, plus de liberté dans l’union des cœurs et des esprits. Il ne faut pas oublier, la démocratie est un long processus, un apprentissage long qui demande de la part de chacun, un effort de patience d’ouverture et de générosité envers les autres.
Ellen Johnson Serleaf, Buhari, le Maroc, le président mauritanien (le mercredi)… le président guinéen a réussi là où tous ces chefs d’Etat ont échoué. En tant que proche des deux hommes, selon vous, comment le Pr. Alpha Condé a pu convaincre le président Jammeh? Et qu’est-ce qui a vraiment favorisé cette médiation?
Je crois que cette victoire, si on peut parler de victoire, est celle de tous les démocrates et de toutes les personnes ici et ailleurs qui sont éprises de paix et souhaitent que tous les conflits en Afrique et ailleurs se résolvent tant que possible par la voix pacifique et par la concertation. Il est vrai que le président Alpha Condé a eu un avantage que les autres n’avaient pas. C’était, dès le départ, d’exprimer sa préférence pour une résolution pacifique de la crise et puis, il y a aussi des liens personnels qu’il a su cultiver avec le président Yaya Jammeh. Il l’a rappelé d’ailleurs qu’il le considère comme un ami plus encore maintenant après le soutien qu’il a manifesté au peuple gambien pendant la crise que la Gambie a connue. Je pense qu’il y a l’expérience personnelle parce qu’il ne faut pas oublier que le président Alpha a un long parcours de militant, il est responsable politique et depuis maintenant quelques années d’homme d’Etat à la tête de son pays. Son expérience plus la sagesse et la prise de position courageuse et sage depuis le début de la crise en faveur d’une résolution pacifique de la crise, l’affection et le respect que le président Jammeh lui accorde ont été des éléments déterminant de son implication d’une part dans la crise et puis des résultats auxquels il a abouti
Quels sont les gages qu’il a pu donner au président sortant?
Le président Alpha a fait comprendre que quelque soit l’enjeu, quelque soit la justesse de la cause qu’il défend, ce n’était pas nécessaire de verser le sang d’un gambien et de casser l’élan de progrès du pays. Il lui a fait comprendre aussi que quelque soit la cause qu’il peut défendre, qu’elle soit juste ou non, quelque soit le bien fondé de ses revendications, ce n’était pas nécessaire de rompre la paix et la stabilité qu’il a contribuées largement à donner à son pays. A cela, il faut ajouter la foi qui anime l’homme et qu’il exprime à toute occasion même au moment de partir. Dans son discours d’adieu, on a senti qu’il était profondément croyant tout cela nous a aidé et on a pu quand même obtenir de lui ce qui n’était pas facile parce que déterminé à défendre la souveraineté de son pays et la vérité des urnes de son point de vue. Donc, Dieu merci, on a réussi à sortir par le haut en préservant l’honneur de chacun et la dignité du peuple gambien. Il n’y a pas eu de gages particuliers. Ce sont des discussions sereines et responsables entre amis et partenaires, entre africains. Ceci, dans l’intérêt de préserver l’unité du pays, la paix et la sécurité partout. Et puis naturellement, puisque c’est un processus qui a abouti à prendre de disposition. Nombreux sont ceux qui ont souhaité y compris les chefs d’Etat que quand même des assurances d’une part soient données à l’équipe sortante et d’autre part que la nouvelle équipe comprenne le défi de rassembler les Gambiens et de préserver l’unité de la Gambie.
Dans l’après midi du jeudi les forces ouest-africaines ont traversé la frontière gambienne avec le Sénégal et ont lancé un ultimatum au président Jammeh. Le président Alpha Condé a entamé une médiation de dernière minute qui a finalement abouti. Est-ce qu’on peut dire que Yaya Jammeh était prêt à une confrontation ?
Il était prêt à une confrontation. Nous, contrairement à tout ce qui avait été dit, nous l’avons trouvé à Banjul dans son Palais. Moi qui ai l’habitude de lui rendre visite sincèrement, je n’ai pas senti que la situation était anormale ou qu’il était animé par un sentiment de peur quelconque. Vous avez remarqué qu’il a continué ses activités comme d’habitude à recevoir ses pairs à ne même pas faire de commentaires sur la situation du pays. Malgré ce que vous venez de dire, on n’a pas senti une volonté d’abdiquer, ni de fuir le pays sur la pointe de pieds lorsqu’on sent qu’un danger est imminent et que la cause est perdue. Jusqu’au bout, il s’est montré serein et confiant dans la cause qu’il défendait et à la possibilité de préserver l’indépendance et la souveraineté de son pays.
Après le départ son départ de Banjul, le Sénégal par la voix de son ministre des affaires étrangères a démenti toute amnistie en faveur du président Jammeh. M. Jammeh a-t-il bénéficié des garanties de non poursuite judiciaire contre lui et ses proches?
D’abord, je pense que l’amnistie est une loi. Je crois que très personnellement, comme je l’ai dit le départ du pouvoir de la Gambie est l’aboutissement d’un long processus de discussion que le président Alpha Condé, pour l’honneur de notre pays et pour le bonheur du peuple gambien, a eu l’occasion de clôturer en beauté, si on peut le dire ainsi. Dans les discussions qui ont précédé, il est évident comme on a vu un peu partout ailleurs lorsqu’il y a de crise qu’il a été question de donner des assurances à l’équipe sortante de manière à ce que d’abord elle se sent en confiance de partir, mais aussi pour assurer la stabilité du pays parce que comme vous le savez ce n’est pas tout de gagner une élection ou d’obtenir une alternance, il faut créer les conditions de la confiance entre les citoyens afin que la paix et la stabilité ne soient pas menacées. Lorsque dans un pays, il n’y a pas de confiance entre les citoyens, il n’y a pas d’équité dans le traitement des citoyens de la part des autorités et que les citoyens ont le sentiment d’injustice ou de subir l’exclusion, il est évident que la paix à court ou à long terme sera menacée. Nous avons fait en quelque sorte de la prévention en demandant à ce qu’il y ait quand même après le départ de Yaya Jammeh et l’alternance qui a suivi, qu’il n’y ait pas de chasse aux sorcières, de règlement de compte, d’acte de vandalisme. Bref, que ceux qui ont voté pour lui ne subissent pas de représailles du camp de vainqueur. C’est un peu cette précaution que nous avons prise beaucoup plus d’ailleurs pour préserver l’unité du pays et favoriser la réconciliation des gambiens que de donner un brevet d’impunité à un homme.
Vous même vous l’avez dit qu’il ne doit pas y avoir un brevet d’impunité. Alors, quelles sont les garanties que le président Jammeh et ses proches ont obtenues?
En fait, ce que beaucoup de gens ont pu imaginer ce qu’on a donné une assurance qu’il n’y aura pas ceci ou cela. Non! Ce qui a été prévenu, c’est un conflit né de l’injustice ou de l’exclusion dont pourraient être victimes à ceux qui pendant les 22 années de son règne ont accompagné le président Yaya Jammeh. Vous savez qu’en Afrique, le changement est toujours suivi des règlements de compte, d’exactions de toute nature. C’est ce que nous avons voulu éviter en classant des gardes fous pour que des garanties soient données que les droits des autres soient respectés. Les autres, c’est-à-dire ceux qui ont perdu l’élection, ceux qui ont été les collaborateurs proches ou lointains du président Yaya Jammeh. Et je pense que c’est dans l’ordre normal des choses qu’on respect le droit de tous les citoyens qu’ils soient tous traités avec équité, justesse et justice. C’est ça qui contribue à créer les conditions de confiance et asseoir la base d’une paix durable.
Le lendemain de son départ, le président Barrow a annoncé l’ouverture des enquêtes qui viseraient aussi le président sortant Jammeh. Qu’en dites-vous?
Moi, je n’ai pas entendu parler de cette enquête. J’ai remarqué simplement que les propos qu’on a avant de rentrer en fonction et la réalité du pouvoir qui nous rattrape après, c’est une expérience que je rappelle, il y a toujours un faussé abyssal. Il faut leur donner le temps d’entrer en fonction, de prendre en pleine mesure les réalités et tirer une conclusion du pouvoir. De toutes les façons, ce qui est sûr et certain, personne n’est au dessus de la loi comme on le dit. Mais, comme on le rappelle aussi, personne n’est au dessous de la loi. Ce que nous souhaitons, ce qu’il y ait une société de justice en Gambie et que les gens soient traités en fonction de la loi non pas par rapport à leur passé ou par rapport à leur choix ou à leur engagement politique. De ce point de vue, je pense que le président Barrow, même le nouveau gouvernement sera libre, souverain, d’entreprendre des actions qui pourront être utiles pour la réconciliation du peuple gambien et pour le progrès du pays. Mais, il ne faut pas oublier que nous sommes dans un monde où les uns vivent sur les regards des autres et une vigilance nationale et internationale s’exerce toujours par rapport à ceux qui exercent le pouvoir d’Etat. Moi, je n’ai pas de doute que l’avenir de la Gambie sera basé sur la justice et l’équité entre les citoyens et d’une manière plus générale à notre époque, on ne peut plus commettre un abus ou violer les droits de n’importe quel citoyen. Parce qu’au-delà de l’autorité que l’Etat incarne, il y a quand même la volonté des peuples, désormais de n’est plus permettre l’oppression et la pression.
Plusieurs pays étaient sur la liste de destination de Yaya Jammeh, notamment le Maroc, l’Arabie Saoudite, le Nigéria et tant d’autres. Pourquoi le choix est finalement tombé sur la Guinée Equatoriale?
Moi, je pense que la Guinée Equatoriale comme d’autres pays ont proposé l’asile à l’ancien président. Il a pensé pour cette première étape de son exil d’aller en Guinée Equatoriale sans doute pour des raisons qui lui sont propres et aussi l’hospitalité qui lui a été accordée toute suite par le président de ce pays. C’était pour l’instant la destination idéale. C’est un choix intime et personnel et sans doute lié aussi à l’hospitalité qui lui a été accordée, mais surtout à la spontanéité et la disponibilité avec lesquelles cette hospitalité s’est suivie. On ne part que là où on se sent en confiance et en sécurité. Je pense que par rapport à la Guinée Equatoriale, le Président Jammeh que je le rappelle a été bien accueilli et aujourd’hui, il bénéficie de la protection et de l’hospitalité des autorités. Il se sent sans doute à l’aise et c’est-ce que nous souhaitons.
20 mille voix, c’est l’écart entre le parti de Jammeh et l’opposition. Est-ce qu’on peut s’attendre à un retour politique de M. Jammeh, selon votre analyse ?
Moi, par expérience, je n’exclu rien en politique, comme je ne peux anticiper de rien. Je pense que le plus important aujourd’hui c’est de savoir que le peuple Gambien a réussi à aller dans la direction du changement sans verser du sang, sans aucun préjudice pour le pays, sans aucune instabilité des institutions. C’est déjà un pas extrêmement important. Il est trop tôt pour parler aussi bien de l’avenir du pays et celui de l’ancien président. Moi, je pense que chaque chose a son temps. Ce qui est évident, c’est le président Jammeh qui est battu aux élections. C’est lui qui est parti du pouvoir. Mais, je vous fais remarquer, il a un parti qui est encore en Gambie dont les responsables et militants restent mobilisés et déterminés pour continuer leur action sur le terrain. Puisque perdre une élection où l’alternance n’est pas une fin en soit. La politique est un processus continu et personne ne peut parier à l’avant de ce qui va se passer. Le nouveau pouvoir va se retrouver après dans un système de cohabitation. C’est vrai qu’ils ont l’exécutif, mais jusqu’aux nouvelles législatives, le parti de Jammeh reste majoritaire au parlement. Donc, c’est dire qu’il y aura une vie de son parti et de ceux qui l’on soutenu après même son départ du pouvoir. Maintenant, la politique étant le domaine de tous les possibles et l’avenir nous réserve parfois beaucoup des surprises, je ne voudrais pas faire des pronostiques à ce stade.
En Guinée, les élections locales ne pourront pas se tenir au mois de février, contrairement aux accords du 12 octobre qui a prévu l’amendement du nouveau Code électoral. Quel est votre avis ?
Non, il n’y a pas de blocage à mon avis dans la mesure où le point qui était litigieux dans le Code électoral est une disposition nouvelle qui n’était pas issue du dialogue et qui n’avait pas fait l’objet d’un accord préalable. Cette disposition a été solennellement retirée par la majorité présidentielle. Je crois qu’on attend la session extraordinaire de février pour voter le Code électoral consensuel qui a l’adhésion du pouvoir et de l’opposition pour qu’on puisse véritablement s’engager dans l’organisation des élections communales. Vous savez qu’il y a des étapes indispensables à franchir avant de parler de la tenue effective des élections. Il y a des délais par rapport à ce Code électoral qu’il faut respecter pour aller aux élections. Ce que moi, je remarque, c’est que jusqu’à maintenant, le plus souvent tout a été fait dans le consensus, dans la concertation, au temps qu’il en est ici. Au delà des échéances qu’on peut se fixer, il n’y aurait pas de raison de malentendu ou de conflit lié au processus électoral d’une manière plus générale au débat politique dans notre pays. L’essentiel que tout ce qui sera fait soit l’émanation de chacun et de tous. Et que sur l’ensemble des actes qui vont être posés dans le processus électoral que ça soit d’un commun d’accord avec les partis concernés.
D’autre part, l’opposition déplore la non-poursuite judiciaire contre les éléments des forces de l’ordre responsables de l’assassinat des militants pendant les manifestations politiques. Qu’en dites- vous?
Pour la première fois qu’on soit parvenu à un accord qui engage l’ensemble des partis à commencer par le président de la République qui s’est personnellement impliqué dans la conclusion de l’accord et s’est engagé à faire respecter les termes. Maintenant, il y a un comité de suivi qui se réunit régulièrement pour faire le point de la situation pour savoir ce qui a été fait ou n’a pas encore été fait. Et je pense que, selon les informations que j’ai réussies, la plus part des points quand même ont été plus ou moins évacués. Quand on prend par exemple celui qui concerne la libération de ceux qui avaient été arrêtés dans les manifestations politiques, je pense que très peu d’entres eux restent aujourd’hui en détention pour ne pas dire qu’eux tous ont été libérés. On a parlé du nouveau Code électoral, j’ai bon espoir qu’à la faveur de la session parlementaire de février ce point va aboutir. Ce qui serait aussi une avancée considérable. Et le dialogue qui faisait défaut entre le président de la République et le chef de file de l’opposition a lieu. Ils échangent régulièrement aussi bien sur les points d’accord et de désaccords. Tout cela est une chose qui permet de prévenir les crises et surtout d’éviter que le malentendu ne s’installe dans notre pays. On a pu parvenir à un consensus et j’ai bon espoir qu’à la faveur d’une session extraordinaire du parlement que cela puisse être adopté. Ça sera une avancée considérable. Le dialogue qui faisait défaut entre le Président de la République et le chef de file de l’opposition a lieu. Ils échangent régulièrement aussi bien que sur les points d’accords que sur les désaccords. C’est une chose qui permet de prévenir des crises et éviter que le malentendu ne s’installe dans la relation. Et puis, beaucoup d’autres actes qui ne sont pas peut-être visibles ou qui ne sont pas inscrits dans l’accord mais qui montrent une sérénité dans les débats démocratiques et plus de paix et de calme dans le processus électoral mais aussi dans les relations entre les différents acteurs politiques. Et je pense que cela est important parce qu’on ne peut faire des élections ou parvenir à un développement sans qu’il y ait la paix et la tranquillité pour ce pays. On a réussi cela ces derniers mois parce que depuis longtemps on ne parle pas de manifestations politiques. Les victimes de pillage et d’actes de vandalisme, tout cela semble aujourd’hui à un passé lointain. Il appartient à chacun d’œuvrer pour qu’on ne retombe plus dans le cycle des crises qui a fait tellement de tort dans ce pays et causé une division profonde entre les citoyens liés au même destin. Moi et comme d’autres, notre souci est de préserver le climat de paix qui règne dans notre pays et de renforcer davantage la confiance qu’on a réussi à rétablir entre les acteurs et bien sûr de parvenir à un processus électoral transparent et équitable qui nous donne des résultats qui soient les moins contestables possibles et finalement des institutions légitimes.
La coordinatrice du RPG-Arc-en-ciel a dit que le peuple va demander un troisième mandat pour Alpha Condé. Qu’en dites-vous?
Moi je me place du point de vue de notre constitution qui à son état actuel dit que le président de République est élu au suffrage universel renouvelable une seule fois. C’est ce que la constitution dit. Maintenant, ce que moi je déplore, c’est que dans notre pays en même temps nous défendons la liberté d’expression et de parole, on empêche certains d’exprimer leur conviction et leurs idées. Moi je pense que madame Nantou Chérif est une citoyenne guinéenne qui participe aux débats dans notre pays. Elle a tout à fait le droit de dire ce qu’elle veut, surtout c’est une personne qui appartient au parti au pouvoir. C’est une personnalité de la majorité présidentielle. Qu’elle dise que le peuple va demander un troisième mandat au président Alpha Condé, moi je pense que c’est au peuple de se prononcer ou non. Mais, on ne peut pas être démocrate et empêcher d’autres d’exprimer leurs idées. Il ne faut pas censurer les idées des gens en voulant limiter leur conviction. Il faut opposer avec des arguments. Moi je pense qu’en démocratie, chacun est libre d’exprimer son point de vue et libre de ses convictions.
Et vous, quel est votre point de vue?
Moi j’estime que chaque chose à son temps. Le Président Alpha Condé vient d’entamer son deuxième mandat, aujourd’hui j’estime que tout ce qui peut alimenter la tension sociale ou politique peut ne pas être débattu. Le président Alpha Condé d’un calme, une sérénité pour conduire son second mandat. Les acteurs politiques sont libres d’exprimer leurs idées et de leurs convictions. Maintenant, quand la question va se poser, parce qu’elle d’un moment à un autre elle se posera par rapport à l’enjeu de notre avenir commun, je donnerai mon point de vue. J’ai toujours dit que je ne fais pas de la politique fiction. C’est à dire, je ne parlerai pas d’une question qui n’est pas posée. Quand la question sera posée, je donnerai mon point de vue qui sera conforme à mon intime conviction. Le débat n’a pas été posé mais d’ici là, chacun peut parler du mandat du président, de l’avenir de notre pays et l’évolution même de nos lois. Je pense quand même que c’est un minimum de liberté qu’on doit reconnaître à chacun de pouvoir exprimer son point de vue, de pouvoir défendre ses convictions. Vous connaissez la théorie voltairienne: je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis mais je me battrai pour que tu ais le droit de le dire. Il faut que les Guinéens comprennent que la démocratie n’est pas une uniformité de pensées, pas une dictature des opinions. Il faut laisser le débat se faire. C’est très simple la démocratie.
La modification de la constitution est la principale cause d’instabilité en Afrique. Nous avons vu le cas du Burundi et tant d’autres. Est-ce que ce n’est pas normal que le Président de la République brise le silence?
Il faut lui poser la question.
Mais vous êtes proches de lui? Est-ce qu’il ne devait pas faire comme le président Ouattara de la Côte d’Ivoire qui a dit qu’il ne va pas se présenter pour un 3ème mandat pour respecter la constitution?
Moi je pense que chaque président est autonome dans son jugement et sait à quel moment, il va s’adresser à son peuple, pour quoi dire. Si Alhassane Ouattara a estimé que c’est maintenant qu’il va prendre position par rapport à une question qui est réglée dans la constitution ivoirienne, moi je m’en félicite parce que je suis démocrate. En tant que démocrate, j’encourage la liberté sous toutes ses formes si ça n’enfreint pas à notre vivre en commun dans l’harmonie. Le président Alpha Condé se prononcera lui-même sur la question le moment venu mais je pense qu’il a beaucoup d’autres préoccupations à l’heure actuelle que celle de parler de son avenir immédiat ou lointain. Parce que les défis et les difficultés ne manquent pas pour le pays. La Guinée et la Côte d’Ivoire ne sont pas logés dans la même enseigne et ne connaissent pas les mêmes réalités, ils n’ont pas la même histoire. Et donc, il est évident que les styles de gouverner soient différents. Je pense qu’il y a un peu d’empressement chez beaucoup de gens mais il y a des questions qui sont inévitables sur lesquelles à un moment donner va se prononcer clairement.
Il y a quelques mois, le Maroc a demandé au Général Konaté de quitter ce pays à la demande des autorités guinéennes. Aujourd’hui, quel est le rapport entre ces deux hommes?
C’est une information qui n’est pas confirmée. D’abord, vous dites que le Maroc lui a demandé de quitter son territoire, moi je ne suis pas au courant parce qu’il me semble pas. J’attends qu’on me dise le contraire. Je ne suis pas au courant que le Maroc a demandé au Général de quitter son territoire. A ma connaissance, il n’y a aucun acte qui lui interdit le territoire marocain ou qui l’expulse du pays. Deuxièmement, il me semble pas qu’il y ait un conflit avec le pays ou avec le président qui obligerait ce dernier de demander à un autre pays qui accueille un citoyen guinéen dont il a l’obligation d’assurer la sécurité et protéger les droits de l’expulser. Il a la vocation de protéger tous les guinéens et défendre l’intégrité de notre pays. Lui, il peut demander à un pays tiers d’expulser un des compatriotes? Moi je pense que jusqu’à preuve de contraire, cela relève de la rumeur et de l’humeur. Le président Konaté a été le prédécesseur du président Alpha Condé. Il a mené un processus historique qui a permis la passation d’un pouvoir militaire à un pouvoir civile. Cette mission, il s’en est acquitté autant qu’il a pu dans le contexte très difficile que le pays connaissait. Même un citoyen ordinaire a le droit à plus forte raison quelqu’un qui a amené notre Etat au plus haut niveau. Chaque fois que cela a été possible, Alpha Condé et le général ont manifesté chacun le respect l’un vers l’autre. Ils ont un rapport cordial même si parfois il arrive qu’ils ne se parlent pas souvent ou qu’ils se sont pas rencontrés ces derniers temps. Je ne crois pas qu’il existe une animosité entre eux. Dans la vie, il peut y avoir des hauts et des bas. Il peut y avoir des périodes d’incompréhension mais jusqu’au moment où je vous parle, je ne pense pas qu’il est arrivé un niveau où la crise est insurmontable.
Entretien réalisé par Alpha Oumar Diallo pour Aminata.com
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