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Évolution des intangibilités constitutionnelles en Guinée, de Sékou Touré à Lansana Conté

De la Constitution du 10 novembre 1958 à celle de 1991 consolidée en 2002, en passant par celle de 1982, contrairement à ce que veulent faire croire les promoteurs d’un 3e mandat pour Alpha Condé, jamais dans l’histoire de la Guinée indépendante, les intangibilités constitutionnelles n’ont été modifiées ni par Sékou Touré, ni par Lansana Conté. Explication.

Après 60 ans d’indépendance dont 26 ans sous la dictature de Sékou Touré et 24 ans de Lansana Conté, suivie par la tumultueuse période du Cndd du capitaine Dadis Camara au général Lansana Konaté, la Guinée peine encore à consolider sa démocratie par la culture de l’alternance pacifique au pouvoir.

Alors que le pays semblait au bout du tunnel, voilà qu’il est encore sous la menace d’un 3e mandat d’Alpha Condé quitte à bousculer les intangibilités.

 

Constitution de 1958

 

De par son vote massif au référendum du 28 septembre 1958,  le Peuple de Guinée a rejeté la domination française et acquis son indépendance le 2 octobre 1958. Adoptée le 10 novembre 1958, cette première Constitution guinéenne stipulait en son article 22 que «le président de la République est élu pour 7 ans au suffrage universel, à la majorité absolue au premier tour ou à la majorité relative au second tour. Il est rééligible».

Son article 50 consacrait «la forme républicaine de l’Etat». Elle était la seule intangibilité qui ne pouvait être mise en cause par aucune révision constitutionnelle.

 

 Constitution de 1982

 

Bien qu’elle ait supprimé la pluralité politique au profit du PDG-RDA, «unique et exclusive force politique», donnant les pleins pouvoirs à Sékou Touré, la Constitution du 14 mai 1982 n’avait toutefois pas modifié l’intangibilité consacrée par la première Constitution qui prévoyait que la forme républicaine de l’Etat ne peut être mise en cause par aucune révision constitutionnelle.

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 Constitution de 1990

A la mort de Sékou Touré, le Comité militaire de redressement national (CMRN) prend le pouvoir le 3 avril 1984 avec à sa tête le colonel Lansana Conté. Il instaure le libéralisme économique. Le 23 décembre 1990, un projet de Constitution est adopté par référendum et promulgué seulement le 23 décembre 1991 autorisant le multipartisme.

De 7 ans renouvelable une fois, la durée du mandat du président de la République est ramenée à 5 ans renouvelable une seule fois (article 24).

Lansana Conté remporte la première élection du 23 décembre 1993.

La forme républicaine de l’État, le principe de la laïcité et le principe de la séparation des pouvoirs étaient les seules dispositions qui ne pouvaient faire l’objet d’aucune révision. C’est ce qui avait ouvert la voie à l’adoption de la Constitution du 23 décembre 2002  ramenant le nombre et la durée du mandat à 7 ans renouvelables, et permis à Lansana Conté de rester au pouvoir.

 

Constitution de 2010

 

On s’aperçoit bien que jusque-là, le nombre de mandats, même s’il avait été limité à un certain moment, n’était pas verrouillé et était donc modifiable. C’est pour éviter la reproduction de ces erreurs à l’avenir, que le législateur a cru bon de prévoir l’article 27 de la constitution du 10 mai 2010 qui stipule: «le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de 5 ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ou non».

Et de verrouiller à l’article 154 par : «la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision».

Au regard de ces détails, on perçoit clairement que durant ses 26 ans de règne, Sékou Touré n’avait jamais touché à la forme républicaine de l’Etat qui est restée la seule disposition verrouillée depuis la première Constitution de 1958 jusqu’à sa mort en 1984.

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En plus de la forme républicaine de l’État, la Constitution de 1991 et celle de 2002 ont rajouté «le principe de la laïcité et le principe de la séparation des pouvoirs»  comme étant les seules dispositions qui ne pouvaient faire l’objet d’aucune révision.

Et auxquelles d’ailleurs Lansana Conté, durant 24 ans, n’a jamais apporté une quelconque modification parce qu’elles étaient intangibles.

La Constitution étant l’émanation du peuple, elle ne doit pas être taillée selon la volonté d’une seule personne fût-elle un président de la République qui en est le garant.

Donc, Alpha Condé finit son second et dernier mandat en  2020. En aucun cas, il  ne peut soumettre une nouvelle Constitution dans la perspective de se maintenir au pouvoir à vie.

Par Le Populaire

 

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