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Riz contre plastique: un projet populiste ou un vrai plan d’assainissement pour Conakry ?

Le Gouvernorat de la ville de Conakry a lancé, mercredi 14 mai 2025, sous l’égide du Président Mamadi Doumbouya, une opération baptisée « Riz contre déchets plastiques » pour contribuer à l’assainissement de la capitale guinéenne.

À première vue, l’initiative semble louable : échanger des déchets plastiques contre du riz afin de lutter contre l’insalubrité chronique qui gangrène la ville. Mais, derrière cette façade se cachent des failles.

Une réponse superficielle à un problème structurel

Ce projet, qui prévoit une opération mensuelle d’échange (15 de chaque mois), offre 5 kg de riz contre divers types de déchets plastiques – 8 kg de sachets, 5 kg de bouteilles, 10 kg de bidons ou 30 kg de chaises cassées.

Sauf que cette équation soulève plusieurs interrogations. Est-il réellement possible de régler le problème d’assainissement d’une agglomération de plus de deux millions d’habitants en échangeant du riz contre du plastique ? N’est-ce pas une manière détournée de masquer l’incapacité de l’État à mettre en place une politique environnementale durable et structurée?

Une opération aux allures de manœuvre populiste

Le calendrier du projet et sa mise en œuvre rappellent les méthodes populistes souvent employées pour gagner la sympathie populaire à court terme. En distribuant du riz – denrée de première nécessité – contre des déchets, le pouvoir mise sur une stratégie clientéliste qui fait peu de cas de la dignité citoyenne. Ce troc alimentaire déguisé peut apparaître comme une manière d’acheter le silence des populations tout en détournant leur attention des véritables responsabilités des autorités en matière de gestion des ordures.

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Un système à risque de dérives

Pire encore, cette initiative va non seulement pousser les populations à se désabonner des PME de ramassage d’ordures, mais elle constituera aussi une aubaine pour certains chefs de quartiers ou cadres du Gouvernorat impliqués dans la gestion du troc. Un terrain fertile pour la mise en place de circuits parallèles, opaques, voire mafieux, autour d’un projet présenté comme citoyen.

La récupération, la centralisation et la distribution du riz sont autant d’étapes susceptibles d’échapper à tout contrôle, laissant la porte ouverte aux détournements et au clientélisme local.

Où sont les infrastructures ?

Au lieu de sensibiliser en profondeur, d’investir dans des infrastructures modernes de gestion des déchets, de former des agents et de promouvoir une économie circulaire locale, le Gouvernorat opte pour une opération ponctuelle et symbolique. Car, à ce stade, aucun détail sur le traitement ou le recyclage des déchets collectés. Seront-ils incinérés ? Entassés ailleurs ? Réutilisés ? Le projet semble flou sur ces questions essentielles.

Le citoyen transformé en agent de nettoyage bénévole

Plutôt que d’assumer pleinement sa mission, l’État reporte la charge sur le citoyen, désormais chargé de collecter, trier, stocker, transporter… en échange de quelques kilogrammes de riz. Où est passé le service public de voirie ? Où sont les entreprises d’assainissement dotées de moyens techniques ? Une véritable politique publique se construit dans la durée, pas à coups de mesures incitatives improvisées.

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Un projet à ne pas rejeter en bloc

Quoi qu’on dise, cette initiative pourrait avoir un impact dans certains quartiers si elle est bien encadrée.

En attendant, si le Gouvernement veut réellement relever le défi de l’assainissement urbain, il lui faudra cesser les effets d’annonce, cesser de flatter la misère des citoyens à coups de sacs de riz, et engager une réforme systémique, transparente et inclusive.

Sinon, le 15 de chaque mois ne sera qu’un jour de plus où les Guinéens échangeront leur misère contre un peu de nourriture, pendant que les déchets, eux, continueront d’envahir les rues de Conakry.

Alpha Binta Diallo

alphaguinee83@gmail.com

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