
Guinée: Où la disparition est un art, et l’impunité un pilier du pouvoir
Bienvenue en Guinée, ce laboratoire à ciel ouvert où les droits humains sont testés, triturés, puis gentiment jetés à la poubelle. Depuis l’arrivée du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) en septembre 2021, le pays s’est métamorphosé en un étrange mélange de dystopie et de comédie noire. Chaque jour, un nouveau mystère se joue, avec pour acteurs principaux des journalistes, des activistes ou des militants politiques. Ce pays, qui, à défaut de figurer dans le palmarès mondial du développement, s’est hissé au rang de champion toutes catégories de brimade.
Cette semaine, c’est au tour d’Abdoul Sacko, un activiste de la société civile, de faire les gros titres. Enlevé et torturé, il a été abandonné dans la brousse à Forécariah, où des paysans l’ont retrouvé dans un état critique. Son cas tragique illustre la brutalité d’un système qui semble se délecter de la souffrance de ceux qui osent s’opposer à lui. Abdoul Sacko n’est pas un cas isolé, mais le reflet d’une pratique institutionnalisée où l’arbitraire règne en maître.
Déjà début décembre2024, Habib Marouane Camara, l’administrateur général du site Lerevelateur224.com, a également été kidnappé à Lambanyi par des agents de la gendarmerie, conduisant à une destination inconnue pour une probable séance de « questions-réponses » à la mode guinéenne. On imagine déjà le décor : des hommes en uniforme, des matraques à la main, et un Habib, inquiet, se demandant s’il a bien pris son café ce matin-là. Mais l’heure est grave, la situation inquiétante et l’enfer n’est pas loin, même si certains jurent avoir vu ici le jardin d’Éden.
Les cas d’Abdoul Sacko et celle de Habib Marouane Camara ne sont que deux exemples parmi tant d’autres (Foniké Menguè, Billo Bah ou Saadou Nimaga) d’une réalité où les droits humains sont piétinés. Pendant que le pays sombre dans ce marasme, les autorités continuent de prêcher un discours hypocrite sur l’État de droit, comme si leurs actes ne démentent pas notre vécu quotidien.
La scène est désormais familière : des hommes en uniforme, des véhicules banalisés, et un citoyen propulsé malgré lui au rang de figurant dans ce théâtre kafkaïen. Destination inconnue, motif inexistant, et explications aussi absentes que les infrastructures routières du pays.
Les autorités, elles, s’en tiennent à leur script habituel. « Nous enquêtons », affirment-elles avec le flegme d’un acteur qui joue mal son rôle. Traduction : « Faites-nous confiance, mais ne posez pas de questions. » Pendant ce temps, la population observe, impuissante, cette comédie dramatique où chacun sait qu’il peut être la prochaine cible de ces tontons m’ajoutes à la sauce guinéenne.
Car ici, la loterie des disparitions ne fait pas de distinction. Commerçants, militants, journalistes ou simples citoyens, tout le monde est un potentiel gagnant. Il suffit d’un mot de trop, d’une opinion mal placée, ou simplement d’un mauvais jour pour se retrouver dans les griffes de cette machine répressive, huilée par l’indifférence et alimentée par des esprits inspirés de ceux peuplant la sphère de Lucifer.
Mais ne blâmons pas trop nos chers dirigeants. Après tout, maintenir un climat de terreur, c’est un boulot à temps plein. Entre les discours enflammés sur l’État de droit et les rafles nocturnes et diurnes, il faut bien avouer qu’ils maîtrisent l’art du grand écart.
Quant à la population, elle observe cette mascarade avec une résignation teintée d’humour noir. « Qui sera le prochain ? » se demandent-ils, mi-amusés, mi-effrayés. Car en Guinée, personne n’est à l’abri : ni le journaliste opiniâtre, ni le commerçant à succès, ni même le badaud qui aurait eu l’audace de parler trop ou de voir partout.
Alors, chers lecteurs, un conseil : si vous vivez en Guinée, marchez prudemment, parlez doucement et, surtout, évitez d’avoir une opinion. Car ici, le silence n’est pas seulement d’or, il est aussi une question de survie. Quant à Abdoul Sacko et Habib Marouane Camara, on espère qu’ils retrouveront bientôt la lumière du jour. Mais en attendant, ils font office d’un rappel cruel : gardez votre sourire et vos précautions, car dans ce théâtre de l’absurde, mieux vaut rester spectateur qu’acteur involontaire. Quant à l’impunité, elle trône en maîtresse incontestée.
Quel spectacle funeste !
Oumar Kateb Yacine
Analyste-Consultant Géopolitique