
Transhumances et compromissions politiques (Par Souleymane Souza Konaté)
L’exemple venu du Cameroun constitue un revers cinglant pour les politiques opportunistes.
Alors qu’ailleurs, sous nos cieux, des opposants gloutons et affairés accourent et se bousculent à la soupe sans y être forcément invités, au Cameroun de Paul Biya, certains ont décliné des offres alléchantes que peu d’hommes politiques du pays seraient capables de refuser : la primature, et plus généralement, un partage du pouvoir. Ces personnalités animées de convictions et d’une grande ferveur patriotique refusent de se rallier à un régime usé jusqu’à la corde et de cohabiter avec des dirigeants infréquentables, ayant perdu toute légitimité et fossoyeurs de la démocratie.
Un chef d’État crépusculaire, Paul Biya, usé par le pouvoir et opposé à l’alternance, règne sans partage depuis plus d’un demi-siècle. Grabataire et diminué physiquement, il s’accroche désespérément à son fauteuil. Battu dans les urnes, rejeté par les Camerounais qui le subissent depuis trop longtemps, il tente, comme le font tous les dirigeants affaiblis et isolés, de diviser l’opposition en tendant un appât aux plus faibles et vulnérables du groupe.
Au Cameroun, Tchiroma Bakary et son état-major ne se sont pas prêtés à ce jeu de dupes, aux marchandages et débauchages qui ternissent l’image des politiques et les disqualifient aux yeux de l’opinion. Ils refusent d’être complices d’un processus électoral dévoyé et corrompu, et de cautionner une fraude flagrante qui saborde la victoire historique du peuple et remet en cause son aspiration au changement, clairement exprimée dans les urnes.
Il y a toujours un choix à faire pour les politiques : céder à leurs intérêts égoïstes ou suivre le sens de l’histoire. Certains vendent leur âme aux diables pour des avantages éphémères, avant de tomber dans l’oubli et le déshonneur. D’autres choisissent de ne jamais trahir et conservent l’estime et la confiance de leurs concitoyens. Au Tchad, Massra, après avoir pactisé avec le régime qu’il combattait, a perdu tout crédit et se retrouve aujourd’hui en prison. Choguel Maïga, en basculant du mauvais côté de l’histoire, a été nommé Premier ministre de la junte malienne avant d’être destitué dans des conditions dégradantes.
On attend de voir ce que le sort réservera aux caméléons locaux et à la nouvelle génération de transhumants zélés et exaltés.
Lorsqu’on rejoint l’UFDG sans partager l’éthique de son leader, Cellou Dalein Diallo, et sans épouser la constance légendaire de sa base, on se fourvoie et on se précipite dans un autre camp. Le parti ne s’accommode pas des indécis, et les militants ne supportent pas les démagogues et les girouettes, au destin aussi éphémère que la feuille morte.
Dans l’arène politique, la plupart des acteurs sérieux et constants finissent toujours par accéder au pouvoir, même quand l’espoir semble perdu. Sinon, ils demeurent des références historiques et des modèles pour les générations montantes. Quoi qu’il arrive, ils ne sont jamais perdants.
Quand la classe politique guinéenne comprendra-t-elle que rien ne vaut la loyauté au pays et la fidélité à son idéal ?
Souleymane SOUZA KONATÉ.