
L’évaluation de l’assiette imposable emprunte des techniques différentes selon les époques et les impôts. Le XIX e siècle a vu fleurir la méthode indiciaire en France, qui permettrait à l’administration de déterminer l’impôt à partir des éléments extérieurs et incontestables dont les plus célèbres furent les portes et fenêtres. L’impôt frappe ici des éléments sans prendre en considération la situation personnelle du contribuable. Cette méthode privilégie l’appréhension des signes extérieurs, sans chercher à atteindre une réalité plus profonde ; donc, c’est l’imposition de l’apparence.
La méthode forfaitaire cherche davantage à approcher la vérité d’une situation économique mais sans pour autant l’atteindre. Elle consiste en effet, pour l’administration, à proposer au contribuable une imposition qu’elle a fixée selon des moyens empiriques. Cette approximation est permise par la loi fiscale, souvent parce que l’activité du contribuable est modeste. Selon l’étymologie, le mot forfait a plusieurs origines. Celle utilisée par le droit fiscal dérive de la conjonction des racines latines « forum » (place publique, marché) et « factum » (fait). Autrement dit, un marché fait d’avance, par lequel on s’engage à faire ou à fournir une chose pour un prix déterminé, à perte ou à profit.
A partir de cette origine et en fonction des modalités prévues par le CGI, on peut définir le forfait comme l’option simplifiée de détermination d’une donnée de l’imposition (le montant de la dette fiscale ou les charges déductibles), dans lequel l’évaluation réelle est remplacée par l’évaluation approximative fixée par la loi ou arrêté après négociation avec le contribuable.
Selon certains auteurs, le forfait est donc un mode de fixation approché du bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et de la TVA à payer, réservé aux petites entreprises et procédant d’une discussion entre le redevable et le fisc à partir de certains éléments de fait. En substance, on peut dire que tous les contribuables en Guinée ne tenant pas une comptabilité régulière et probante, ne relevant du régime de la TVA et de celui des moyennes entreprises, sont en principe, assujettis au régime du forfait.
Ainsi, le forfait vise généralement les entreprises relevant du secteur informel. Il y a eu d’autres penseurs qui se sont intéressés à cette notion de forfait. C’est ainsi que Christian de Lauzainghein, professeur émérite de l’université Paris Descartes et Marie Hélène Staube de Lauzainghein maître de conférence de la même université, appréhendaient le forfait comme : « une technique d’évaluation simplifiée qui vise à substituer, à la détermination exacte de la matière imposable, un calcul approché, approximatif fondé sur une analyse intérieure, sur des indices inhérents à cette matière imposable ». La méthode forfaitaire se justifie lorsqu’une évaluation exacte apparaît comme pratiquement trop difficile ou trop compliquée et lorsqu’une donnée moyenne est plus adaptée qu’une évaluation exacte à une situation donnée. Selon ces auteurs, la technique fiscale forfaitaire peut être classifiée en trois grands groupes à savoir: le forfait sommaire, forfait normal et forfait exact.
Le forfait est sommaire quand l’évaluation de l’assiette fiscale peut se faire à partir d’un ou de quelques éléments seulement (exemple le forfait agricole) ; il est normal, lorsque l’évaluation de la matière imposable correspond à une moyenne (exemple déduction forfaitaire de 10% pour charges professionnelles des salariés en vertu des disposions de l’article 58 du CGI) ; il est en fin exact lorsqu’il vise à serrer la réalité le plus possible ( tel est le cas du forfait BIC des petites entreprises) ; le forfait obligatoire et forfait facultatif : le forfait peut être imposé par le pouvoir législatif ou une disposition expresse de la loi, alors, il devient obligatoire : tel est le cas des indemnités, primes et gratifications versées aux employés du secteur privé en Guinée suivant l’esprit de l’article 55 du CGI dont la limite de leur exonération est fixée à 25% du montant de la rémunération versée hors primes, indemnités et autres gratifications.
Le forfait devient facultatif dès lors que les contribuables peuvent renoncer à une évaluation initiale pour lui substituer une autre évaluation réelle ou exacte de la matière imposable.
Le forfait conventionnel et forfait légal : le forfait devient conventionnel lorsque l’administration et le contribuable s’entendent sur un montant déterminé comme base de discussion tant pour l’assiette fiscale que pour les droits à payer qui en découlent) ; il est légal quand l’évaluation de l’assiette fiscale relève exclusivement de la loi par laquelle le fisc détermine la charge fiscale à supporter par le contribuable ; l’on peut l’assimiler même à l’évaluation et à la taxation d’office.
De nos jours, cette méthode s’applique principalement lorsqu’il s’agit de déterminer des charges ; elle permet au contribuable de déclarer un revenu brut et de bénéficier automatiquement d’un abattement représentatif des charges supportées (exemple : déduction forfaitaire de 10% du montant des salaires représentant les frais professionnels supportés par les salariés).
Dr BAH ALIOU, l’auteur de ce texte, juriste-fiscaliste