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La Manipulation comme arme de gouvernance et de domination ethnique  (Par Dr Bah Aliou) 

Ce texte est né d’une colère, celle d’un patriote irrité que les Guinéens font un si piètre usage de la politique. Les bouleversements historiques et les jeux politiciens n’ont cessé de me conforter dans mon sentiment tout au long de ma vie.

La chute de l’imposture totalitaire n’est pas une bonne aubaine, mais un défi qui nous charge de responsabilités nouvelles. L’universel plébiscite en faveur de la liberté signifie que nous avons perdu nos repoussoirs, qu’il ne suffit plus d’avoir le pire de tous les systèmes, excepté tous les autres. Il nous faut une ambition plus haute pour que le désenchantement ne succède pas à l’euphorie. 

Entre le meilleur des mondes et le moins mauvais, nous devons construire une société d’enthousiasme et pas seulement de résignation, afin que les populations Guinéennes choisissent notre modèle pour ce qu’il est et pas seulement pour ce qu’il n’est pas. Les garanties qu’apportent nos institutions républicaines ne suffisent pas à entretenir cette ardeur, il faut encore assurer la participation effective de chacun au gouvernement de la Guinée. Les jeunes s’interrogent et sans réponses pratiques. On dirait que chaque jour amène des problèmes capables de les démoraliser. Parce que cette société guinéenne est manipulée et la manipulation amène l’injustice et la vengeance. 

Le principe a été posé depuis 60 ans : « Tous contre un ». Notre vie politique et nos relations sociales sont fort éloignées de notre idéal républicain et démocratique. Elles sont en permanence viciées par la grande manipulation. Ce mal insidieux qui se glisse dans les institutions démocratiques vise précisément à mettre le citoyen hors circuit, à lui conférer une apparence de responsabilité alors que tout se décide en dehors de lui. C’est la république des illusions, celle qui, aujourd’hui, se trouve condamnée par un nombre croissant de Guinéens.

La crise présente n’est qu’une forme aiguë d’un mal chronique. Depuis que je suis en âge de voter, j’éprouve le sentiment que le débat public est faussé, qu’il propose des choix biaisés, appuyés sur des arguments fallacieux. Mais il y a plus grave ou plus exaspérant, c’est l’utilisation permanente et abusive des grandes références, des valeurs indiscutables et des principes républicains pour couvrir les appétits de pouvoir et les intérêts particuliers. Se tromper n’est pas bien grave, être trompé devient agaçant, mais se faire duper en raison même de son attachement aux plus nobles idéaux me paraît insupportable. 

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Plus on est sincère, plus on est épris de justice, de solidarité, d’ordre, de liberté, de morale, de progrès et plus on risque de se faire avoir. C’est la manipulation. Elle a déjà fait échouer la transition de CNRD à travers la démission de Mohamed Béa et la sortie calamiteuse de MOFASORY sur les réseaux sociaux ; c’est le fléau de l’ethno-stratégique. 

N’étant ni sociologue ni politologue, je ne prétends pas apporter une analyse scientifique qui n’est pas de ma compétence, je propose simplement les constatations, les réactions et les réflexions d’un Guinéen confronté à cette démagogie politique. Je parle d’irritation, d’inquiétude aussi. Car on ne joue pas impunément avec les convictions des gens. Il n’est que de regarder l’inguérissable des PDGISTE-RDA des anciens communistes pour s’en convaincre. Quand on s’est fait avoir au point de confondre démocratie et totalitarisme, d’avoir couvert les pires actions au nom des meilleures intentions, comment peut-on encore faire confiance ? Mais il n’est pas besoin d’être un stalinien repenti pour éprouver ce malaise. Qui ne s’est laissé prendre à ces présentations flatteuses qui donnaient aux plus discutables manœuvres l’apparence des plus justes causes ? Qui n’a éprouvé l’amertume de la déception, la tentation du scepticisme ?

 

La démocratie n’est pas un cadre juridique, c’est une société vivante. Sa substance, c’est la citoyenneté, un sentiment fragile qui s’affermit dans le respect et s’effrite dans le mépris. Elle n’existe qu’à travers l’adhésion, la confiance et la participation de chacun. Lorsque la classe dirigeante et les institutions publiques perdent leur crédit. Une caricature de république dont les partis s’acharnent à nous donner le spectacle. Voilà ce qui nous menace.

Trop abusés par la démagogie, celle qui flatte la générosité et non pas l’intérêt, qui mise sur l’espérance plus que sur les promesses, trop déçu par la logomachie des grands sentiments, des proclamations usurpatrices et des discours mystificateurs, les Guinéens perdent l’art de vivre ensemble, ils désertent la vie républicaine. C’est la porte ouverte à tous les systèmes de repli et d’exclusion, égoïsme, corporatisme, xénophobie, le recours aux solutions simplistes et expéditives, la défiance systématique vis-à-vis des institutions. Nous vivons avec, devant nous, la crainte d’une déstabilisation majeure provoquée par l’ascension CNRD et le développement de nouveaux affrontements à l’échelle planétaire. 

La manipulation n’est pas limitée à la sphère politique, elle s’étend à toute la société et se retrouve sur les sujets: économique, culturel, social, etc… C’est en permanence et dans tous les domaines que notre jugement se trouve emprisonné par le conditionnement idéologique, le conformisme obligatoire, les manœuvres séductrices. Notre liberté nous laisse parfois le choix des réponses, mais jamais celui des questions. A quoi bon nous intéresser aux affaires publiques ? Mieux vaut rester chez soi. Un citoyen en colère ne peut être cynique. De fait, j’adhère totalement, dussé-je paraître naïf, aux valeurs de notre société. Ce texte leur est dédié et, s’il décrit les mauvais traitements qu’elles constituent notre capital le plus précieux, c’est pourquoi elles sont tant disputées. A nous de les préserver de tous ces détournements afin de les maintenir en place. Au-dessus de la mêlée.

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Ma protestation est solitaire, je ne pense pas qu’elle soit unique. J’ai la conviction que nombre de Guinéens ressentent confusément le même malaise, qu’ils voudraient démêler le vrai du faux, l’authentique de l’affecter dans les discours qu’on leur tient. A plusieurs reprises déjà sur des sujets particuliers, je me suis efforcé d’aller à l’encontre de telle ou telle mystification qui entrave notre pays. L’écho que j’ai rencontré ne tenait pas à la qualité particulière de mon travail, mais au fait que ma démarche répondait à l’attente du public. De nombreux lecteurs exprimèrent le même sentiment : Nous nous en doutions, mais nous n’avions pas les moyens de le savoir. Voilà bien le mal qui ronge nos rapports sociaux : le doute. Les Guinéens n’osent pas croire ce qu’on leur dit par peur de se faire duper. Expliquons donc les règles du jeu afin qu’ils sachent déceler les faux-semblants et s’engager résolument sur des convictions partagées.

Ainsi, je vous propose ma grille de lecture, mon détecteur de fraude en quelque sorte. Il n’a pas valeur universelle. A chacun de suivre sa propre voie pour parvenir à ses propres conclusions. A chacun de comprendre dans quelles conditions il peut se fier à son bon cœur et dans quelles circonstances il doit rester sur ses gardes.

Tout ce que je dis ici est discutable et s’énonce comme tel. Je ne prétends détenir aucune vérité et ne poursuit d’autre objectif que d’ouvrir le débat. Quand vous relierez ce texte, il n’est pas nécessaire que vous soyez convaincus. Ce serait déjà beaucoup que vous vous sentiez concernés, que devienne notre pays sans la manipulation comme armée de gouvernance et de domination d’une ethnie ?

Dr BAH ALIOU

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