
LA BASE -GUINÉE : SOCIÉTÉS ANIMISTES NALOU ET BAGA
Dans ces sociétés animistes Nalou et Baga, l’impôt est essentiellement un sacrifice aux forces invisibles. Les peuples Nalou et Baga trouvaient le salut fiscal à ses dieux. Chez les Nalou, l’impôt s’élevait au-delà du souverain à Dieu lui-même. Derrière l’impôt se cachait le sacrifice aux dieux Nalou.
En effet, les animistes Nalou sont très proches de la nature, leur emprise sur celle-ci est à nulle autre comparable. Si l’impôt leurs est obligatoire comme contributions – sacré. Bien qu’il s’agisse d’un impôt-sacrifice, il n’en demeure pas moins que ce dernier respectait certaines règles bien établies, susceptibles de nous éclairer sur la politique fiscale de l’époque. Les animistes Nalou sont capables d’animer les plantes et d’utiliser leur environnement pour le transformer en une arme redoutable. Chez les Nalou, le prémice de base de l’Animisme est que tout est vivant, que ce soit animal, végétal ou minéral. Tout le monde a été créé sur un même pied. Si un être est au-dessus d’un autre, cela crée un déséquilibre. Cette situation n’étant pas acceptable il faut rejoindre les esprits en pratiquant une incantation pour leur demander de restaurer l’équilibre. Dans la religion animiste, tout corps est physique et esprit. Comme il est impossible de communiquer directement avec Dieu, les incantations sont le contact avec les esprits qui nous entourent. On fait une offrande aux esprits par le fétiche et on leur demande de contacter Dieu pour qu’il puisse restaurer l’équilibre. La vie du casamançais n’a de sens que par, pour et avec l’animisme. Cela dépasse une religion et devient une philosophie de la vie. Il y a trois objets » libations »: le sang des animaux, le vin de palme et le riz en guise d’offrandes. L’importance de cette offrande sera reliée à l’ampleur du déséquilibre. Par exemple, pour le passage de l’enfance à l’âge adulte c’est-à-dire ce qu’on appelle Initiation ; on pouvait immoler un troupeau entier voire cent vaches. On va en garder seulement quelques-unes pour renouveler le cheptel qui peut prendre 30 ans à se reconstituer. Quand on y va, c’est à fond la caisse. Lorsqu’on a posé la question à certains Nalou ; n’est-ce pas naïf de croire qu’une incantation peu régler tous les maux ? Ils me répondaient que c’est la façon de vivre ici depuis très longtemps et que ce mode de vie a permis de garder un certain ordre social. Maintenant, dit-il, en 2009 avec l’éducation et l’évolution technologique, il est certain que si l’on devient malade, il faut aller voir le médecin et non faire une incantation au fétiche. Les mentalités changent peu à peu avec le temps. L’Afrique noire, à la base toute animiste, a évolué, par choix ou par force, d’un point de vue religieux vers les autres grandes religions, principalement la Chrétienté et l’Islam. On retrouve, par contre, une grande influence animiste dans les pratiques religieuses et culturelles des gens convertis à ces 2 religions. Selon les anciens, c’est le lien animiste qui fait que les Africains peuvent très bien vivre ensemble peu importe leurs confessions. On a aussi remarqué qu’il n’y pas vraiment d’animosité entre les religions, mais beaucoup de dialogue, les gens se présentent et assez rapidement vont parler de leur allégeance religieuse.
Cette brève description de l’animisme fiscal est un point de vue Nalou, plus particulièrement de base-Guinée. On peut bien hâte de voir la relation avec l’animisme au Bénin, berceau du Voodoo. Du point de vue impôt, on a un peu de misère avec le concept de contact avec les esprits pour garder l’équilibre. Par contre, une chose qu’on peut nier c’est que l’équilibre entre l’homme, l’animal et la nature crée un respect que nous, dans les sociétés industrialisées, avons un peu oublié.
LA FISCALITÉ EN HAUTE-GUINEE
Dans la société traditionnelle Malinke, la fiscalité était pratiquée en trois catégories à l’image sociale : les HORON ou TONTIGI (nobles) sont au sommet de l’échelle. Ce sont les représentants des fondateurs de l’empire et de leurs allies. Ils sont cultivateurs, chasseurs/guerriers et quelques fois commerçants ; les NIAMAKALA ou gens de caste, comprennent les NUMU (forgerons), les JALI (griots) et les GARANKE (cordonniers) ; les JON (esclaves) sont composes en fait d’hommes actuellement libres descendants d’esclaves. Le JALI (griot) est le conseiller des chefs mais aussi le médiateur dans les situations conflictuelles aigues. C’est aussi le dépositaire de l’histoire de la famille et du clan Savoir qu’il garde jalousement tout en l’enseignant aux générations montantes de façon à ce qu’il se perpétue. Les fétiches, censés protéger la société contre les forces invisibles et les cataclysmes, font donc partie intégrante de la vie quotidienne du Maninka ; Charlatans, géomanciens, guérisseurs et ont plus d’audience que les formations sanitaires existantes, car les premiers, en plus des cas de maladies, sont consultes pour garantir une réussite, prévenir un malheur. On leurs paie les redevances en nature pour la défense et la protection à la communauté. Ces Redevances en nature constituent les impôts à l’époque. Les sociétés secrètes (Nama, Komo…) sont aussi là pour traquer les malfaiteurs de nuit ; les SUBAKA (sorciers). Chaque village Maninka possède ses sociétés secrètes qui regroupent pratiquement, tous les bras valides organisent en classes d’âge. Les cases sacrées se situent dans le même cadre. Elles renferment les fétiches chargés de la protection de la communauté. Les Maninka paient les impôts en trocs ou en naturels aux chefs féticheurs ou géomanciens.
LA FISCALITÉ EN GUINEE-FORESTIERE
La fiscalité Forestière doit son nom à la forêt sacrée qui couvre la majeure partie de son territoire. On peut hésiter à nommer un tel paragraphe « Histoire de la Région forestière », étant donné l’indigence de la documentation sur ce sujet et le caractère largement hypothétique de ce que nous pouvons avancer dans l’état de nos connaissances. Des îlots témoins permettent de se faire une idée des points atteints par ces migrations. L’Histoire interne de la Région forestière, elle, n’est connue que sur une période couvrant au maximum les deux derniers siècles. C’est regrettable, mais comment éviter une disproportion entre une période s’étendant sur quelques dizaines d’années et celle qui s’étend sur plusieurs siècles, sinon sur plusieurs millénaires, quand dans le premier cas les sources écrites abondent relativement et ont été établies avec le souci de fixer les événements et que dans le second, on en est réduit (à l’exception des empires de la zone soudanaise) à des conjectures, à la tradition orale et à l’utilisation de sciences annexes et non de l’Histoire elle-même. En définitive, mises à part les traces pygmées, on peut distinguer un type dans la zone nord de la forêt au contact de la savane, Kissi des cantons nord, Kono de Nzérékoré, guèzes et Kissi du sud, Toma, Kpellé, Manon. Tous ces groupes ethniques fondèrent l’impôt sur le sacrifice et l’offrande au Dieu à travers les hommes qui le représentèrent sur terre. Mais le sacrifice n’est-il pas précisément l’essence même de l’impôt ? Depuis Abraham en effet, sacrifiant son fils Isaac, jusqu’ aux autres civilisations du Livre, où les hommes versent la dîme, en passant par l’Afrique animiste ou l’Inde des Védas, partout l’impôt est toujours un sacrifice. A Dieu, aux rois ou à la société des hommes troublée par l’envie et la jalousie. Ainsi relié à Dieu, l’impôt s’en est séparé lorsque Paul et les pères de l’Église l’ont abandonné à César lors du » compromis historique » bimillénaire où les âmes ont été laissées à l’Église en échange des hommes laissés à César. Y compris pour les imposer. Privé dès lors de toute limite religieuse, puisque ne relevant plus de Dieu, l’impôt occidental, délesté de la morale, a dérivé sur vingt siècles jusqu’ à finir évidemment là où il devait arriver, c’est-à-dire jusqu’ à se prendre presque pour Dieu lui-même. Les seigneurs de la terre, prélèvent-ils l’impôt sur leurs fils ou sur les autres ? » Simon : « Sur les autres ». Jésus : « C’est pour cela que les fils sont libres ». Et si c’était là la bonne nouvelle fiscale pour le XXIème siècle qui est là… ?
Dr BAH ALIOU, l’auteur de ce texte, juriste-fiscaliste