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Quand les autorités guinéennes tentent de prendre le taureau par les cornes

L’autre jour je suivais une vidéo, sur YouTube, sur une émission de l’EspaceTV qui avait reçu Sidya Toure comme invité. Dans cette émission, on évoquait le cas du décret présidentiel qui appelait les guinéens à la culture de la citoyenneté dans le cadre d’un programme de nettoyage de la ville de Conakry.

Sur l’image ci-dessous, Paul Kagamé répond aux questions des jeunes nigérians professionnels qui l’ont invité au Nigeria le 10 Novembre 2012 pour lui poser des questions sur la formule qui il a utilisée pour faire de Kigali, la capitale rwandaise, une ville propre et moderne ; mais aussi des questions sur les stratégies de développement mises en place au Rwanda ; on peut noter la présence de Goodluck Jonathan, le président du Nigeria à l’époque, qui était présent pour s’inspirer sans aucun complexe. Paul Kagamé explique que le Rwanda n’a pas utilisé un centime des bailleurs de fonds étrangers pour nettoyer la ville de Kigali ; les dirigeants rwandais ont misé sur l’engagement citoyen des Rwandais pour relever ce défi.

Quand on veut réellement avancer il faut naturellement avoir l’humilité et l’ouverture d’esprit de s’inspirer de l’expérience de ceux qui ont quelques pas d’avances sur nous.

 

Appeler les populations au sens de la citoyenneté est une attitude salutaire car aucun programme de développement ne peut réussir sans la participation citoyenne ; encore, faudra-il le faire avec méthodes, c’est-à-dire, remplir au préalable des conditions impératives qui s’imposent ; une cohésion nationale totale basée sur la confiance entre les uns et les autres.

Il faut toute suite noter ici que l’on ne construit pas un projet de citoyenneté par un décret présidentiel ; selon les experts en la matière, la meilleure pédagogie de la citoyenneté passe par la création d’un climat favorable au rapprochement entre les populations et le pouvoir publique ; sans ce rapprochement aucune confiance ne peut s’installer. Or pour créer ce climat il faut un leadership éclairé capable des réflexions prospectives pour détecter des opportunités mais aussi des menaces, de formuler des stratégies pour arriver à des décisions actionnables pour saisir ces opportunités afin de créer des capacités réelles accessibles aux citoyens, et mettre en place des politiques pour prévenir aux menaces qui pourraient éventuellement compromettre la paix et la quiétude sociales ; mais aussi un leadership capable de diriger par exemple et qui n’a pas peur de la contradiction.

Aucun décret appelant au sens de la citoyenneté ne produira de résultats concluants dans un pays ou la corruption est érigée en normes de société, l’anarchie est institutionnalisée, la pauvreté aigue et la misère, qui deviennent une tragédie, alimentent quotidiennement les sentiments de révolte.

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Comment on peut demander aux populations, sous la pauvreté aigue, vivant dans une précarité sans nom, de serrer la ceinture et faire des sacrifices pendant qu’il y a des ministres qui, sans vergogne et par le biais de la corruption, se permettent d’une vie extravagante et insolente.

Le leadership, c’est de diriger par exemple sans peur de la contradiction ; cela peut être illustré par le fait qu’aujourd’hui, Kigali la capitale Rwandaise est transformée en un foyer de débats et de forums qui rassemblent régulièrement les populations qui profitent des opportunités qui les mettent en contacts directs avec les dirigeants du pays y compris le Président de la république pour poser des questions et demander des comptes dans un esprit de transparence totale et dans le respect des lois de la république; tous les rwandais : jeunes, vieux, hommes et femmes, mêmes les plus improbables, ont ainsi des occasions d’avoir des réponses ou des éléments de réponse aux différentes questions d’intérêt national ; ces rencontres ont lieu sans une ceinture de 100 à 300 militaires, gendarmes et policiers autour du président.  Voilà un acte simple parmi d’autres qui a le potentiel de rapprocher les populations du pouvoir publique, renforcer la confiance, et du coup créer le sens de la citoyenneté le plus naturellement que possible sans décret.

Chez nous, le président de la république attaque les jeunes qui, au cours d’une rencontre, rappellent au président une promesse oubliée ou qui tarde encore à se réaliser.

Pour terminer je pense qu’il est important de noter qu’il n’y a pas longtemps un ami m’a envoyé un message sur les réseaux sociaux pour m’informer qu’il y a une nouvelle règlementation au ministère de l’intérieur ; il parait qu’il existe désormais des nouvelles règles de communication ; tous les appels, y compris les appels WhatsApp, seront désormais enregistrés ; tous les mediums de communication seront surveillés : Facebook, YouTube, twitter…

Je pense qu’à ce niveau il n’y a pas lieu de s’alarmer spontanément sans bien analyser ; d’abord, il s’agit des rumeurs sur les réseaux sociaux et il est admis que 90% des informations dans ce monde virtuel ne sont pas crédibles ; 10% sont crédibles et fondées. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas toute suite prendre ces rumeurs pour des certitudes pour fonder des convictions ; mais ça veut dire aussi qu’il ne faut pas les rejeter en bloc parce qu’il s’agit des rumeurs ; il faut donc un discernement.

Même s’il s’avère que ces rumeurs sont crédibles et fondées, soit par des annonces publiques ou par d’autres moyens, il faut toujours les regarder sous différents angles ; on peut les regarder sous le prisme de la sécurité nationale étant donné les menaces dues au terrorisme et à d’autres formes de banditisme (réseaux de ventes de drogues, de blanchiment d’argent ou d’autres formes de contrebandes) qui gagnent du terrain en Afrique. Si ces nouvelles mesures s’inscrivent uniquement dans la logique de renforcement de la sécurité, il s’agit vraiment d’excellentes mesures. Mais si ces mesures sortent du cadre du renforcement de la sécurité nationale pour tenter de restreindre les libertés d’expression sur les questions d’intérêt national, ou pour apparaitre comme une tentative d’étouffer des velléités de critiques à l’encontre de la gestion du pays, il y a donc lieu de s’inquiéter. Il faut noter que beaucoup de pays pratiquent ce genre de mesures aujourd’hui, y compris l’une des plus grandes démocraties du monde, c’est-à-dire les Etats Unies. On a assisté au fameux cas d’Edward Snowden dans ce pays. Mais il faut noter ici que les Etats Unis pratiquent ces politiques uniquement dans le cadre de renforcement de la sécurité nationale, pas pour supprimer les libertés politiques ; d’autres pays, par contre, entrent dans cette logique de surveillance uniquement pour réprimer les libertés d’expression et pour étouffer toute velléités de critiques à l’encontre de leurs régimes.

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En guinée, ces mesures sont en fait une nouveauté car depuis 1984 on n’a jamais entendu parler de ce genre de mesures, ou sauf si je n’en ai pas été informé ; il faut donc espérer qu’elles soient des mesures introduites uniquement pour protéger les guinéens, mais pas pour opprimer ou réprimer les guinéens pour leurs idéologies politiques. C’est le lieu de signaler ici qu’il s’agit d’une nouveauté qui apparait brusquement quand Kassory Fofana devient l’homme fort de la primature ; l’on se souvient encore que sous l’administration de Lansana Conte, quand Kassory était aux affaires, il s’est donné le droit et le pouvoir de faire barricader l’enceinte d’un organe de presse légalement agréé et installé en guinée pour avoir publié un article qui ne le ménageait pas du tout. Comme si on n’était pas dans un Etat de droit, il a pris la décision tout seul de faire fermer les portes de cet organe de presse. Ce fait qui est de notoriété publique et qui laisse entrevoir une certaine allergie de Kassory aux critiques, peut donc remonter aujourd’hui comme source d’inquiétudes face à ces nouvelles mesures de surveillance, ça il faut le dire en passant.

 

Mohamed Conde

Depuis Kabul

 

 

 

 

 

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