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Guinée : Quelle vie de calvaire pour les enseignants du privé !

La Guinée à l’instar des autres pays touchés par la pandémie du coronavirus décréta au mois de Mars dernier l’État d’urgence sanitaire. Parmi les mesures prises, nous avons: la fermeture des lieux de culte (mosquée et église), des établissements d’enseignement privés et publics, l’interdiction des regroupements de plus de 20 personnes, le confinement de la ville de Conakry… Mais certaines de ces mesures n’ont-elles pas entraîné des conséquences graves sur la vie de certains citoyens du pays ? Bien sûr que oui!

Décryptage : Depuis la promulgation de l’État d’urgence sanitaire, les enseignants du privé de Guinée traversent des moments très difficiles et pitoyables. Ils ont tous les problèmes de joindre les deux bouts. Ils sont nombreux parmi eux, ceux qui passent deux à trois jours sans trouver de quoi nourrir leurs familles faute du non payement de leurs salaires bloqués depuis le mois de Mars 2020. Beaucoup d’entre eux vivent de la charité de leur voisinage ou de leurs frères ou sœurs qui évoluent dans d’autres domaines. Dans certaines familles ce sont les femmes qui ont pris la relève avec leur petit commerce qui souffre aussi de pénurie de clients. Pour plus de commentaires, nous vous livrons l’interview de quatre enseignants du privé parmi 50 réalisés:
1- je m’appelle Ousmane Sanoh, enseignant au Groupe scolaire Mamoudou Camara sis à Conakry. Je suis marié à deux femmes et père de sept enfants. Depuis la fermeture des écoles. Je vis très mal. Nous pouvons faire deux jours sans préparer à manger. Parfois c’est ma femme qui se débrouille. Mais souvent ce sont les voisins qui nous donnent du manger. En tant que père de famille moralement je suis meurtri. Donc, il faut que nos fondateurs et l’État pensent à nous sinon ce n’est pas bon.

2- Moi, c’est Mohamed Sylla, enseignant du groupe scolaire Sékou Soumah. Marié et père de deux enfants, je dirai que coronavirus est venu contre nous les enseignants du privé, car depuis quatre mois maintenant nous sommes sans salaire à cause du coronavirus. Je me suis tellement endetté, aujourd’hui dès que je sors les gens se cachent de moi. C’est pour dire que je souffre énormément. Parfois j’ai pitié de mes enfants, car voir ses petits affamés ne met aucun père de famille à l’aise. Mon concessionnaire vient de me donner aussi le préavis pour libérer sa maison à cause des frais de location non payés. Vraiment c’est difficile. Si on ne nous aide pas ce n’est pas le pire se produira.

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3- Je me nomme Mamadou Oury Barry, enseignant au groupe scolaire Sankoumba Diaby sis à Conakry. Je suis célibataire et vis avec mes deux parents(le papa et la maman) devenus vieux, ensuite avec trois sœurs et un frère. C’est moi qui supporte la famille avec mon petit salaire. Mais depuis la fermeture des classes, je suis bloqué et la famille vit très mal. Parfois on peut faire trois jours sans rien préparer à la maison. Je demande aux personnes de bonnes volontés, à l’État et surtout à notre fondateur d’avoir pitié de nous. Notre fondateur c’est quelqu’un qui a de gros moyens et qui peut prendre en charge tout son personnel. Mais il refuse de nous payer.

4- Moi, c’est Robert Milliomono, enseignant du groupe scolaire Saliou Balde. Je suis marié et père de trois enfants. Avec cette crise, j’ai de très sérieux problèmes pour nourrir ma famille et payer les frais du loyer. Au début, je me débrouillais dans un chantier de construction comme manœuvre. Mais depuis deux mois, là-bas aussi est complètement fermé. Parfois mon fondateur m’aidait mais je sais qu’il a des problèmes aussi, car le local ne m’appartient pas. Donc je demande à l’État d’aider nous les enseignants des écoles privées comme le Sénégal l’a fait tout récemment, car le travail que nous faisons contribue au développement de la Guinée. Sans nous beaucoup d’enfants du pays allaient être dans la rue, car il y a plusieurs quartiers de Conakry qui n’ont même pas d’école publique.

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D’après ces témoignages, nous constatons que l’humanisme n’existe pas entre les fondateurs d’écoles et leurs travailleurs (enseignants). Pourtant la plus part de ces fondateurs sont des milliardaires qui ont suffisamment des moyens. Ces mêmes enseignants sont les laissés pour compte par l’État guinéen. Ils sont exploités et sous-estimés par leurs patrons (fondateurs) sous le regard impuissant de l’État. Il est important d’évoquer les difficultés de compréhension avec la direction qui en cas de conflit avec les élèves et leurs familles pour des problèmes disciplinaires ne soutient pas suffisamment les enseignants de crainte de perdre des clients.

Cette précarité et la pauvreté dont sont victimes les enseignants s’expliquent par le fait que ces établissements appartiennent à des entrepreneurs, des cadres du gouvernement parmi lesquels on peut trouver même des illettrés. Des gens qui accumulent des fonds au détriment des enseignants.

La plus part des fondateurs n’ont pas d’expertise pour diriger des établissements. Ils sont justes détenteurs de capitaux leur permettant d’utiliser l’expérience et le savoir-faire des enseignants et surtout dans ce sens nous considérons les enseignants comme des ouvriers intellectuels tout en demeurant pauvres. Ils contribuent à l’enrichissement des fondateurs.

Il convient donc, pour les fondateurs des écoles privées animés de bonnes volontés et à l’État de venir au secours de ces cadres intègres (enseignants) en vue de les encourager dans leur noble mission. Tout récemment le Président de la République a ordonné la réouverture des classes d’examens (entrée en 7e année, le brevet et le baccalauréat) pour le 29 Juin 2020, on se demande quel sort est réservé pour les enseignants qui n’évoluent pas dans ces classes? Ensuite, ce petit temps qui reste permettra-t-il à ceux qui reprendront le chemin de l’école de se rattraper économiquement et de pouvoir bien bien préparer les vacances ?

Co-reéalisé par Abdoulaye Salim CAMARA et Salifou SOUMAH, Juriste

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