
Guinée: Kindy Dramé de l’Ablogui – « Nous avons innové l’observation des élections en Guinée »
INTERVIEWPar Alpha Oumar Diallo
Membre de l’Association des blogueurs de Guinée (ABLOGUI), Kindy Dramé est le monsieur technique de cette structure qui a supervisé la présidentielle du 11 octobre 2015. Ce passionné de l’internet et de la communication est aussi le webmaster de votre quotidien en ligne www.aminata.com.
A son actif, il est fondateur de plusieurs sites d’informations dont conakrylemag.com, ce jeune talentueux a dirigé l’aspect technique du projet guineevote.
Au cours d’un entretien qu’il nous a accordé, M. Drame apporte des explications sur la supervision du scrutin par son association.
Parlez-nous brièvement du projet Guinée vote
Guinée vote, c’est un projet qui est né d’une réflexion des jeunes activistes et blogueurs sur internet. Nous avons voulu innover l’observation des élections sur les réseaux sociaux, sur internet.
L’objectif est d’informer les gens pour qu’ils puissent avoir une autre vision de ce qui se passe de tout le processus avant, pendant et après les élections en donnant des messages, en travaillant sur la communication sur internet.
Dites-nous comment vous avez supervisé les élections avant-pendant et après le scrutin
D’abord il faut savoir que ce projet Guinée vote n’est ni affilié à un parti politique, ni soutenu par l’Etat, les membres sont tous des bénévoles, des indépendants. On a bien sûr eu des financements des organismes qui sont habilités à le faire.
Je peux le dire, OSIWA nous a soutenu, donc, c’est le principal partenaire de ce projet. Maintenant pour répondre à votre question, nous avons déployé 416 observateurs sur le terrain qui nous ont remontés les informations le jour des élections. Ils ont été déployés sur toute l’étendue du territoire.
Ils sont venus à Conakry pour suivre une formation des deux jours sur l’observation, comment se passe le processus, comment il faut noter.
Ils sont repartis avec de la documentation. Dans cette supervision, nous avons déployé une autre plateforme qu’on appelle Ushahidi mais qui était lié à notre site www.guineevote.com.
Sur cette plateforme, vous pouvez envoyer votre rapport le jour de l’élection par sms ou bien envoyé via un formulaire à partir de ce site.
Nos observateurs pouvaient nous dire par exemple, l’heure de l’ouverture du bureau de vote, automatiquement, nous on appelait la personne pour vérifier l’information.
Une fois validée, nous la publions sur notre site ou sur les réseaux sociaux. Nous avons eu de remontés d’irrégularités dans beaucoup des bureaux de vote où se trouvaient nos observateurs.
Certains bureaux avaient par exemple aussi des difficultés de bulletins de vote, nos observateurs avaient été agressés. D’autres ont été littéralement refusés d’accéder aux bureaux. Par exemple, un de nos membres a été exfiltré pour ne pas être tabassé.
Guinée vote s’est aussi intéressé aux programmes des partis politiques, parlez-nous de ce volet.
Sur ce niveau, nous avons aussi intégré une autre plateforme, un comparateur des programmes qu’on a mis sur notre site.
En allant dessus, vous pouvez voir les noms de tous les candidats, leur programme détaillé, sur chaque point vous pouvez sélectionner deux ou trois candidats voir sur un secteur.
Par exemple l’emploi qu’est-ce que le candidat propose dans son programme. Ce comparateur est disponible sur application mobile et sur notre site. Donc, vous pouviez comparer les programmes des partis politiques via notre site www.guineevote.com.
Comment vous avez géré le projet après le scrutin?
Après les élections, nous avons eu peur des conséquences post-électorales tout ce qui pouvait venir comme violence.
On avait eu des difficultés qu’on a remontées via notre hastague #guineevote qu’on retrouvait sur twitter, qui a été repris par les grands médias et ceux qui étaient intéressés sur les élections en Guinée.
Notre façon de voir la chose a été toujours de rester dans la neutralité parce qu’on n’est pas là pour juger un camp ou l’autre, on est là pour dire aux gens n’acceptez pas de vous faire exploiter, trouver de solution qui n’est pas la rue.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans l’exercice de ce projet?
La première difficulté a été que c’est notre première fois. Comme toute première chose, il y a toujours des difficultés.
On avait des difficultés techniques par exemple sur notre site pour déployer tous les systèmes parce que la majorité des Guinéens se connecte via mobile.
On voulait que tous ceux qui viennent sur notre site se sentent à l’aise. On avait eu des difficultés au début avant de lancer le site mais après tout est rentré à l’ordre. La deuxième difficulté qu’on avait eue, c’était une difficulté sur les ressources humaines.
L’autre souci, c’est le refus de recevoir nos observateurs dans certains bureaux malgré ils avaient leur badge, leur gilet, … Deux de nos observateurs, il y a un qui avait échappé au tabassage par des jeunes, c’est la police qui avait pu l’exfiltrer.
Un autre membre a eu des difficultés à Kaloum dans le bureau de vote où le président avait voté, son téléphone avait été pris, toutes les images avaient été effacées.
Toujours dans les difficultés techniques, vu que tout le monde n’est pas à l’aise avec le sms ou bien avec la plateforme, le niveau informatique des gens n’était pas aussi bon. Certains avaient du mal à envoyer des rapports par exemple.
Comptez-vous reprendre ce projet pour les prochaines élections locales en 2016?
Oui bien sûr, nous voulons être là à chaque élection que ça soit nous ou pas mais que ce projet continue à exister. Ça permettra par exemple à ceux qui sont à l’étranger de s’intéresser à la Guinée à travers Guinée vote.
Votre mot de la fin
Je voudrais remercier tous les acteurs de Guinée vote, tous les gens qui nous ont aidé surtout dire aux jeunes guinéens de ne plus se laisser manipuler.
Je les invite à se mettre devant pour exiger leur part de responsabilité dans la gestion et dans le développement de ce pays.