
Dans une interview à bâtons-rompus, accordée à notre rédaction, Dr Ibrahima Diallo, juriste et analyste politique, a abordé le sujet qui fait aujourd’hui la Une de tous les medias en Guinée. Il s’agit de l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Au cours de cet entretien dépourvu de toute langue de bois, le Docteur en Droit ne tourne pas autour du pot. Car il situe la responsabilité des deux parties protagonistes. Il a ensuite préconisé des pistes de solutions pour une sortie de crise. Il plaide également en faveur d’un dialogue franc et sincère entre le gouvernement et les syndicalistes. Lisez
Aminata.com : aujourd’hui, l’actualité oblige. Pourquoi généralement en Guinée, quand il y’a hausse du prix du carburant, cela impacte les autres secteurs d’activités ?
Dr. Ibrahima Diallo : en ce qui concerne la hausse du prix du carburant, vous savez toujours, il y a des implications. Parce que quand le prix du carburant augmente, c’est le coup du transport qui augmente. Par conséquent, cela impacte le panier de la ménagère. Mais, parfois il y a des augmentations qui ne sont pas justifiées. Souvent quand le prix ducarburant augmente, on assiste à des augmentations parfois fantaisistes, parfois aussi justifiées. Et, pour le gouvernement, l’impact qu’il faut éviter, c’est l’inflation. Comme vous savez, l’inflation peut nuire les efforts de croissance et du développement engagés par le gouvernement.
Alors, Dr Ibrahima Diallo, dans la foulé de cette augmentation du prix du carburant à la pompe, les autorités guinéennes ont estimé que c’est pour aider à la réalisation des infrastructures socio-économiques de basse. Est-ce que pour vous les arguments brandis par les autorités tiennent la route ?
Vous savez bien que le prix du baril du pétrole n’est pas fixé par la Guinée. Le prix du pétrole est fixé selon l’offre et la demande mondiale. Le Sénégal, la Guinée et la Côte-d’Ivoire achètent au même prix. Il y’a les paramètres qui rentrent dans la structuration du prix du carburant. Aujourd’hui, la question qui est importante c’est de mettre tous les sujets qui concernent la structuration du prix du carburant au tour de la table pour que l’ensemble des acteurs concernés puissent examiner et trouver une solution dans l’intérêt de notre nation.
Selon nos informations, la Guinée n’est pas le seul pays à avoir augmenté le prix du carburant à la pompe. La Sierra-Léone vient de le faire sans provoquer de grincement de dents. Mais pour le cas précis de la Guinée, l’Etat estime qu’il a perdu en 6 mois plus de sept cent soixante-cinq milliards de francs guinéens. Quelle est votre analyse ?
Bon ! Cette perte évoquée par le ministre du Budget pourrait expliquer par la froide. Vous savez la Guinée est entourée par les pays de la zone CFA et il est plus intéressant d’acheter le carburant en Guinée et d’aller le ventre au Sénégal ou au Mali. Et, d’ailleurs il y a une prolifération des stations d’essence dans nos pays limitrophes de la Guinée dans zone CFA. Alors, à chaque fois que la Guinée subventionne le prix du pétrole et qu’il y a cette contrebande, c’est la Guinée qui perd et c’est les guinéens qui perdent à la fois cette perte énorme.
Dans la démarche du premier ministre, chef du gouvernement guinéen, Dr Ibrahima Kassory Fofana, c’est d’avoir une croissance économique solide. Selon vous, est-ce que la Guinée peut-elle espérer une croissance économique durable?
C’est ce qu’on pourrait croire de la démarche du premier ministre. Il faut quand même lui accorder le bénéfice du doute, c’est tout à fait logique. Dans son discours de politique générale, il a souligné que tous les critères des reformes doivent être menés pour qu’une croissance soit mise en œuvre en Guinée. Donc, on y croit la question. Maintenant, c’est de mettre les moyens surtout dans la lutte contre la corruption et renforcer la bonne gouvernance, éviter surtout les déperditions budgétaires et aussi les déperditions liées à la fois des produits pétroliers.
L’inter-centrale syndicale CNTG-USTG appelle à une grève générale illimitée à partir du lundi prochain et une marche qui partira de la bourse du travail jusqu’à l’Assemblée Nationale. Quelle lecture faites-vous de cette démarche des syndicalistes ?
La démarche syndicale s’inscrit dans un droit constitutionnel et garantie par le premier magistrat du pays. C’est tout à fait logique. Ils ont le droit de mener leurs grèves. Mais aujourd’hui dans l’intérêt de notre pays, il faut privilégier la stabilité. C’est-à-dire, c’est le moment d’attirer les investisseurs vers notre pays. D’abord il faut que les deux parties se retrouvent. Il faut sortir de ce carcan, de dire que le gouvernement a raison ou les syndicalistes ont raison. Il faut simplement privilégier l’intérêt du pays que tous les sujets soient mis sur la table. Pour que les syndicats puissent s’impliquer, participer et avoir tous les éléments, tous les tenants et aboutissants dans la structuration du pays. Et sur cette question, c’est extrêmement important d’autant plus que la hausse du carburant n’épargne aucun pays. Mais il faut impliquer l’assemble des parties prenantes pour apaiser la tension parce que les crises ne sont pas favorables aux investissements.
Pour le moment, nous constatons qu’aucune partie ne veut lâcher du lest. Tout le monde veut se camper sur sa position. Alors aujourd’hui, qu’elle solution préconisez-vous pour une sortie de crise ?
Tout d’abord, c’est de mettre de la bonne foi, comme critère, et ensuite sortir de ce carcan pour dire que tel à raison ou tel à tort. Chaque partie doit mettre de l’eau dans son vin et essayer de trouver les mécanismes de structuration des prix à l’instar de certains pays qui nous entourent, cela est un point important. Et, deuxièmement, c’est d’essayer de mettre en place un système de lisage, c’est-à-dire, d’éviter souvent les augmentations très élevées ou des baisses aussi considérables. C’est ce qui permet de trouver un équilibre à chaque fois que le prix du baril augmente sur le plan mondial. C’est que les syndicats doivent savoir dans quel paramètre les prix vont augmenter. Donc, il y a une question effectivement de transparence, de discussion, de bonne foi et d’ouverture qui doit concerner l’ensemble des parties. A cela, s’ajoute aussi que le gouvernement doit promouvoir l’ensemble de la bonne gouvernance, lutter contre la corruption et les déperditions budgétaires, ce qui est extrêmement important. Et, réduire aussi le train de vie de l’Etat.
Merci beaucoup Dr d’avoir répondu à nos questions
Docteur : Je vous remercie
Interview réalisée par Moussa Traoré